Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/52

Cette page n’a pas encore été corrigée

LOIS) 30 AGRAIRES (LOIS)

extraordinaire que de voir deux systèmes si opposés se présenter à nous, au cours des siècles, comme dérivant naturellement l’un de l’autre. Le fait est pourtant constaté un système naturel avait été peu à peu remplacé par un système artificiel.

Telle était la situation lorsque l’Angleterre vint imposer un système de tenure féodale, bien plus rigoureux que ce système hybride. 2. Angleterre.

1. APERÇU HISTORIQUE SUR LES VARIATIONS DU SYSTÈME DE TENURE.

Lorsque, en 821, les royaumes saxons furent réunis sous un seul sceptre par Egbert, on distinguait déjà ce que nous pourrions appeler les terres libres et les terres inscrites. Une terre libre, free land, ne relevait de personne. Elle appartenait à une commune. Une terre inscrite, book land, était une terre accordée par charte royale. Il n’y a pas lieu d’être surpris de voir les rois accorder des terres, si l’on se rappelle qu’ils étaient arrivés, par une série d’accaparements, à être considérés comme les hlafords, ou loaf-givers (les donneurs de pain) de leurs suivants.

Ce qu’il nous importe de remarquer, c’est que les terres ainsi octroyées étaient, par le fait, détournées de la juridiction générale du royaume. Le seigneur pouvait en dispoposer de la même manière ; ils les cédait à des tenants, à condition, pour eux, de lui rendre hommage, de s’enrôler sous sa bannière et de le suivre en temps de guerre. Le seigneur, agissant ainsi à l’exemple du roi, augmentait encore son pouvoir, d’un autre côté, en s’arrogeant le droit de rendre la justice à ses tenants ou suivants, dans son chàteau ou manoir. Aujourd’hui encore il reste en Angle- terre quelque chose de ce régime féodal c’est le mode de tenureappelé eopyhold tenure, qui sera expliqué plus loin.

Cette organisation rudimentaire durait en- core lorsqu’en 1066 la bataille d’Hastings va- lut à Guillaume de Normandie la possession de l’Angleterre. Une des conséquences de sa conquête fut de donner libre essor et sanction royale aux pratiques seigneuriales, qui étaient en train de faire disparaître le régime de te- nure en commun par les tribus.

Toutefois, on peut, dès cette époque, cons- tater une première quoique très faible réac- tion contre le système féodal le roi Guil- laume oblige ses sujets à lui jurer fidélité et à le reconnaître ainsi chef de l’État, supé- ] rieur aux barons. Moins d’un siècle et demi plus tard, sous le règne du roi Jean, coalition du peuple et des barons, d’où sort la grande Charte de 1215.

Néanmoins cette organisation persista, presque sans modifications, durant plus de quatre siècles et demi.

Le premier grand mouvement contre la féodalité est la révolution de 1689. Guillaume III et Marie ne sont élus roi et reine d’Angleterre qu’en accordant le bill of rights, qui est un pacte en vertu duquel la monarchie est limitée et tous ses actes soumis à l’approbation du parlement. Dès lors les terres de la couronne passent sous le contrôle du parlement. On peut donc dire que par là le peuple a repris possession d’une partie de ce qui lui avait été enlevé. Depuis cette époque, la législature anglaise n’a cessé d’amender et d’atténuer ce qui restait encore de la féodalité. 2. ÉTAT ACTUEL DE LA LÉGISLATION CONCERNANT LA PROPRIÉTÉ FONCIÈRE. DIVERSES SORTES DE PROPRIÉTÉS. DIVERSES SORTES DE TENURES. Les lois et les coutumes qui règlent la possession, l’occupation et la transmission des biens fonciers en Angleterre dérivent de sources très variées elles forment un ensemble si hétérogène et si complexe qu’on ne peut arriver à les connaître, à les interpréter et à les appliquer, si l’on ne s’y est préparé par de longues études. Aussila rédaction des actes sous seing-privé, qui légalisent les ventes, les achats, les baux, les successions, est-elle devenue une spécialité parmi les hommes de loi une espèce de notariat, appelé en anglais conveyancy (to convey veut dire transférer), dont les fonctions sont exercées par des avocats rompus à tous les détails de la procédure spéciale qui concerne les terres. La forme de ces actes a été apportée par les Normands et dérive des principes du régime féodal. Heureusement, dans des actes du parlement, de date récente, qui règlent tout ce qui regarde la terre, le législateur a eu soin de définir les termes employés, d’en indiquer les applications et de prescrire, pour la rédaction des divers actes, des cédules spéciales. Il suffit donc de connaître la signification des termes les plus usités dans la phraséologie légale pour se rendre compte, à la vue de ces cédules, de l’objet et de la portée d’un acte sous seing-privé.

La loi anglaise est fondée surla maxime féodale « Nulle terre sans hommage et service au seigneur » (No land wilhout service). Il en résulte que le souverain, étantle premier des seigneurs, possède seul, en théorie, la propriété absolue de toutes les terres. Quant aux occupants, ils ont un droit d’établissement, de jouissance, ce que les Anglais appellentun estate ; ils ont en outre le droit de céder leur terre à une autre personne et à ses héritiers


AGRAIRES (