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26 AGIOTAGE

Aujourd’hui on nomme agio la prime du numéraire, c’est-à-dire l’écart entre la valeur nominale de la monnaie légale du pays et sa valeur effective, ou encore l’écart entre la valeur nominale et la valeur au change. Les Allemands appellent disagio la perte subie par la monnaie. On peut appliquer la désignation d’agio aussi bien à la différence de valeur entre l’or et le papier-monnaie qu’à la différence de valeur entre l’or et l’argent ou entre l’argent et le papier-monnaie. L’agio est surtout sensible dans les pays à cours forcé. Son intensité plus ou moins grande est la résultante de la quantité de billets de crédit en circulation, de la grandeur de l’encaisse métallique, de l’activité du commerce, c’est-à-dire de la somme de traites sur l’étranger offertes ou demandées et aussi de l’opinion qu’on a du crédit de l’État ainsi que de la situation générale du marché financier.

Dans les pays où n’existe pas le cours forcé, les pièces d’or lourdes sont recherchées pour l’exportation et font prime ; cette prime constitue l’agio. Une Banque qui jouit du monopole d’émission et qui, sans élever le taux de l’escompte, veut défendre son encaisse métallique, ne donne de l’or que contre le payement d’une prime, qui est de l’agio. A. RAFFALOVICH.

Adam SMITH, Richesse des nations, livre, IV, chap. III. GoscHEN, Théorie des changes étrangers.- FOLDES, Ursachen und Wirkungen des Agios. (Jahrbücher de Conrad, 1882.) TOOKE NEWMARCH, Histoire des prix. THORNTON, Paper credit of Great Britain. WAGNER, dans le Manuel de Schönberg.

AGIOTAGE. « Trafic sur les effets publics, jeu sur la hausse ou la baisse, manœuvre pour faire hausser ou baisser les fonds publics ou faire varier le prix de certaines marchandises, en vue d’un profit. » (Littré.)

« Pourrait bien n’être autre chose, dans sa signification ordinaire, que la manière de gagner par l’agio ; mais aujourd’hui il signifie cette espèce de commerce de papier qui ne consiste que dans l’industrie et dans le savoir-faire de celui qui l’exerce, par le moyen duquel il trouve le secret de faire tellement hausser ou baisser le prix du papier, qu’il puisse acheter à bon marché et revendre cher ». (D’Aguesseau, Mémoire sur le commerce des actions de la Compagnie des Indes.)

« L’on donnerait de l’agiotage une idée assez juste et surtout très modérée en disant qu’il est l’étude et l’emploi des manœuvres les moins délicates pour produire des variations inattendues dans le prix des effets publics et tourner à son profit les dépouilles de

ceux quon a seduits ou trompes ». (Comte de Mirabeau, Plan des opérations de l’abbé d.’Espagnac pour soutenir et continuer le monopole des actions de la nouvelle Compagnie des Indes, note 5.)

« A mon avis, dit M. Chirac dans son livre l’Agiotage, I, 29, constats scientifiques en main, l’agiotage est un système arbitraire de majorations incessantes, faussant la valeur rplative du travail, organisant sa valeur fictive et conduisant les peuples à leur destruction, soit par l’abréviation de la vie, soit par les guerres tant intérieures qu’extérieures. » Ces définitions montrent qu’on a cherché à distinguer l’agiotage et la spéculation (v. ce mot), d’opposer l’un à l’autre, de flétrir l’un et d’approuver l’autre.

Nous sommes d’accord avec les adversaires de l’agiotage, en tant qu’ils entendent par-la les manoeuvres frauduleuses (coups de bourse au moyen de la propagation ou création de fausses nouvelles, achats de ses propres ac-.tions par un établissement de crédit, lorsque cette opération lui est interdite par la loi). On a compris dans la condamnation de l’agiotage les opérations qui se règlent par des différences, ce qu’on appelle d’ordinaire des paris ou jeux de Bourse. Or à notre avis, le spéculateur seul est en mesure de dire s’il a ou non fait de l’agiotage. C’est une appréciation subjective et non objective. En effet, on ne saurait qualifier d’agiotage une foule d’opérations légitimes, telles que l’arbitrage international ou l’arbitrage local qui se liquident souvent par le payement ou l’encaissement d’une différence. Deplus, nous connaissons des cas d’agiotage pur, au sens défavorable du mot dans lesquels on a levé, c’est-àdire payé comptant les titres ou marchandises, c’est ce qui a lieu notamment dans les opérations d’accaparement, corners, rings.

D’ailleurs, si l’on tenait compte de la définition de l’agiotage telle qu’elle a été acceptée par beaucoup d’auteurs, l’État lui-même alimenterait l’agiotage, lorsqu’il fait des émissions d’emprunt, auxquelles beaucoup de souscripteurs ne prennent part que dans l’espoir de toucher la différence ou prime qui pourra se produire après la clôture de la souscription.

L’autorité publique a fait des tentatives répétées, mais vaines, pour réprimer l’agiotage, notamment sous l’ancien régime, sous la Révolution (loi de 1795). On en trouve la trace dans le Code pénal. En Prusse, des lois tombées en désuétude ont interdit comme entachés d’agiotage les marchés à termes en fonds espagnols (1836), en fonds étrangers (1840).

Quant à l’observation que l’agiotage se


AGRAIRES (