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Est-il obligé de se servir de son pouvoir ou peut-il le céder à un de ses confrères placé près de la frontière et qui, par conséquent, aura moins de frais à faire pour le transport de la matière à son usine ? La loi reconnait au porteur du pouvoir le droit de s’en dessaisir, mais à la condition que l’acheteur agisse au nom et pour le compte du fabricant autorisé qui, par procuration, déclare que, dans le délai de six mois, la fonte importée au nom de l’exportateur sera expédiée sous forme de produit manufacturé. Cette opération constitue ce qu’on appelle le trafic des acquits-à-caution. Pourquoi est-elle devenue dans la pratique d’un usage constant ? Parce qu’elle est à la fois simple et profitable aux intérêts généraux du pays et des particuliers. L’importateur des contrées limitrophes de la frontière a, en effet, intérêt à acheter le pouvoir du fabricant du Centre, car s’il importait à son nom, il payerait le droit de 15 francs par tonne, tandis qu’il achète le pouvoir à un prix inférieur au droit de douane. Il bénéficie donc de l’écart qui existe entre ce droit de douane et le prix d’achat.

De son côté, le constructeur du Centre a intérêt à vendre son pouvoir, parce que la somme qu’il en retire diminue d’autant son prix de revient et que que, sans ce bénéfice, il ne pourrait exporter, tellement les conditions de la concurrence sont devenues pressantes. Il économise aussi les frais de transport, car il trouve dans la région une quantité équivalente de fonte sans avoir à solder les frais de transport par canaux et par chemins de fer, frais qui dans certains cas absorberaient les bénéfices de l’entreprise.

Ce régime des acquits-à-caution et de l’équivalent a provoqué de nombreuses réclamations, surtout de la part des industriels de l’Est. On lui a reproché d’encombrer le marché national de produits étrangers. Cet argument ne résiste pas à l’examen, puisque la quantité de fonte introduite est compensée par une quantité égale de fonte exportée. Chaque tonne de fonte qui sort de Marseille ou de Bordeaux sous forme de produit fabriqué dégage d’une quantité au moins égale le marché des fontes de l’Est. Bien plus, la quantité de fonte exportée est toujours supérieure à la quantité introduite, puisqu’il faut tenir compte des déchets de transformation et de fabrication qui, dans certains cas, sont considérables. Les chiffres d’ailleurs démontrent que le système de l’équivalence a été pour le moins aussi favorable aux constructeurs du Centre qu’aux producteurs du bassin de l’Est. Ainsi, le groupe métallurgique de Meurthe-et-Moselle, qui produisait 226,925 tonnes de fonte en 1874, en a produit 735,684 en 1886, soit une augmentation de 224 p. 100. Pendant le même espace de temps, les groupes du Nord, de la Champagne, de la Loire, du Sud, du Centre et de l’Ouest, qui produisaient 1,196,382 tonnes en 1874, ont vu leur production tomber à 774,000 tonnes en 1886. La diminution est de 424,210 tonnes, soit 35 p. 100. Le développement extraordinaire du groupe de Meurthe-et-Moselle prouve combien peu le régime de l’équivalent, absolument indispensable aux exportateurs des autres régions, a profité à ceux qui en demandent aujourd’hui la suppression.

La Chambre cependant leur a donné gain de cause en 1888, au moins en ce qui regarde les fontes d’affinage. C’est une faute. Le régime des acquits-à-caution avec le système de l’identique a fait ses preuves ; il a permis à une industrie essentiellement d’exportation de vivre et de prospérer sous un régime de compression ; loin d’être contraire aux intérêts du trésor, il a contribué à en accroître les ressources, puisqu’il a donné un aliment nouveau à l’activité nationale et procuré à nos ouvriers un travail qui aurait eté excuté à l’étranger. Un fait d’ailleurs domine toutes les discussions, c’est que, sans le système des acquits-à-caution, aucun de nos établissements métallurgiques de l’Ouest, du Centre et du Midi ne pourrait prospérer ni même subsister. Or, est-il d’une bonne politique économique et financière de ne laisser subsisterqueles centres métallurgiques placés à notre frontière du Nord-Est ? Est-il prudent, à quelque point de vue que l’on se place, de paralyser l’essor de nos établissements de l’intérieur qui emploient un grand nombre de bras et qui, à un moment donné, peuvent rendre au pays d’inappréciables services pour l’approvisionnement de notre matériel de guerre ? À une époque où l’on cherche à tout prix des débouchés pour notre commerce extérieur, il serait absolument illogique de tarir le courant d’exportation de nos produits métallurgiques.

Georges Michel.


ACTE TORRENS. — V. Torrens Act.


ACTE DE NAVIGATION.

1. Définition.

On désigne sous ce titre deux célèbres statuts anglais, rendus vers la même époque