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loin de là ; il a même

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offre librement faite et librement acceptée. On a distingué cinq modes d’accaparement 1° les coalitions de production, qui ont pour but de limiter la prodution 2° Les coalitions de prix, qui ont pour but de fixer les prix de vente ;

3° Les coalitions de production et de prix ; 4° Les coalitions de distribution, qui ont pour objet de répartir les commandes entre les producteurs selon certaines règles ; 5° Les coalitions de débouchés qui se pratiquent entre fabricants ou marchands, afin de mettre fin à la concurrence qu’ils se font les uns aux autres dans des régions déterminées et dont le but est de se partager le marché indigène ou les marchés étrangers. 2. Origine.

Dans le passé, alors que les capitaux étaient rares, les voies de communication imparfaites et que les opérations du commerce étaient le secret de quelques favorisés, l’accaparement s’est exercé sur quelques denrées de première nécessité comme les céréales. Tant que les peuples ont été exposés à des hausses soudaines du prix du blé, à la suite de mauvaises récoltes, tant que des périodes de disette ont alterné avec des périodes d’abondance, la réalité et quelquefois le fantôme de l’accaparement ont joué un grand rôle dans l’imagination populaire.

La législation a puni des peines les plus sévères ceux qui se rendaient maîtres des quantités disponibles et qui profitaient de la rareté qu’ils avaient organisée pour provoquer une hausse plus ou moins considérable dans les prix. Les marchés étaient isolés en quelque sorte, indépendants les uns des autres. Des barrières presque infranchissables, résultant des mauvais chemins, de la lenteur et du prix des transports, empêchaient l’arrivée de marchandises qui, autrement, auraient été attirées par les prix élevés.

C’était l’époque où, dans le même pays, des écarts de prix énormes se produisaient d’une région à une autre et sans sortir du voisinage.

Aujourd’hui, le nivellement des prix est un fait économique définitivement acquis, grâce à mille causes connues qu’il serait superflu d’énumérer. La circulation des marchandises se fait avec facilité etrégularité. L’organisation des Bourses de commerce, des marchés à terme, a continué à écarter les dangers d’un renchérissement provenant d’une mauvaise récolte l’accaparement des céréales a cessé d’être le cauchemar qui hantait l’esprit de nos pères.

Ce n’est pas cependant que l’accaparement

ait disparu, loin de là ; il a même pris des dimensions qu’on ne soupçonnait pas jadis. Il y a eu, dans la seconde moitié de ce siècle, des tentatives gigantesques de spéculation pour s’efforcer de concentrer dans quelques mains la direction du marché on a vu des prix relevés de cent pour cent, des arrangements faits avec la presque totalité de certaines exploitations minières, des produits naturels ou fabriqués emmagasinés par des sociétés ou des syndicats disposant de ressources dont la grandeur a dépassé tout cequ’on pouvait concevoir au siècle dernier. Les coalitions internationales qui prétendent dicter les prix, limiter la production, sont l’œuvre de grandes réunions de capitaux qui visent à dominer l’activité économique. La réglementation de la production, cet idéal des socialistes, qui prétendent y arriver autoritairement, est tentée par le grand capital à son profit, on sait au prix de quels sacrifices et avec quelles chances d’échecs, suivis de liquidations désastreuses.

Les grands syndicats de capitalistes ont été possibles le jour où les voies de communication sont arrivées à un degré de perfectionnement tel que la plupart des places de production sont devenues, pour les prix, dépendantes et solidaires les unes des autres. Jadis, lorsque les marchés étaient isolés,. les approvisionnements de chaque place étaient décisifs ; c’était à graud’peine et pour une durée très limitée qu’on pouvait faire des coalitions dont l’effet se faisait sentir sur les prix. On ne pouvait songer, vu la difficulté des communications et l’impossibilité de se renseigner, à organiser des coalitions embrassant un pays tout entier et encore moinspouvait-on, comme aujourd’hui, parler de plusieurs continents.

3. Diverses espèces d’accaparement.

Cependant, même de nos jours, il faut distinguer entre lesproduits ; un syndicat peut dominer, par exemple, le cours de certains métaux, faire la hausse pendant un temps, parce que ces métaux sont produits par quelques mines et qu’il n’est pas impossible de conclure des arrangements temporaires, avec les propriétaires de ces mines. Mais il y a des probabilités pour que les contrats decette nature ne soient pas toujours à la longue scrupuleusement remplis, qu’on découvre de nouveaux gisements, qu’on en-treprenne d’exploiter des mines qui n’étaient pas rémunératrices avant la hausse, que la concurrence reparaisse, en un mot qu’une fissure se fasse dans l’édifice du syndical que le poids des stocks fasse tout écrouler, amenant la débâcle et la catastrophe.


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