Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/302

Cette page n’a pas encore été corrigée

CADASTRE 280 CADASTRE

En Belgique, on s’est conformé aux prescriptions du Recueil méthodique français de 1811. Les plans indiquent non seulement la configuration parcellaire, mais encore les accidents de terrain et les objets saillants qui peuvent servir de repères ; ils sont tenus à jour avec un soin particulier. Dans presque toutes les provinces ils sont tirés en lithographie et vendus au public à très bas prix. L’entretien du cadastre coûte annuellement 670,800 francs.

La Hollande a procédé comme la Belgique jusqu’en 1831. Les opérations de renouvellement ont été terminées en 1842. Elles ont été exécutées sur l’état apparent de la jouissance sans délimitation. Bien que les plans et registres soient admirablement tenus, que toutes les indications concernant la propriété y soient régulièrement inscrites, il existe des différences graves entre le terrain et les plans. En Angleterre, les propriétés sont immenses, peu morcelées. On s’est borné à déterminer 1 e périmètre du territoire de chaque commune. Aucune autre indication n’a été enregistrée. On n’a jamais voulu toucher au cadastre fait en 1692, après l’avènement de la maison d’Orange.

. Le cadastre au point de vue fiscal et au point de vue de l’assiette de la propriété. Sinon sans débat, au moins sans grande lutte contre le principe, l’Assemblée constituante crut presque unanimement que la contribution foncière devait être assise sur le revenu net des propriétés bâties et non bâties.

Ici se pose une question. Comment constater sérieusement, même approximativement, le revenu annuel de millions de parcelles ? La variation de ce revenu est, pour ainsi dire, perpétuelle. Beaucoup de ces variations seront insaisissables au moment où on voudra les constater et, pourtant, elles atteignent et modifient le revenu.

Le prix d’estimation, formé, par exemple, sur quinze mercuriales, est forcément inexact. Il est certain que le cadastre, commencé en 1808 et remontant à 1793, a trouvé le blé à des prix bien différents de ceux de 1815 à 1830. Il en est ainsi de toutes les estimations. Le cadastre est donc, par lui même, très peu propre à constater le revenu. Il a fallu quarante ans pour le faire. En supposant que le revenu actuel fût exact au moment de la constatation, il était devenu déjà inexact peu de temps après cette constatation. Il est impossible de se plier aux variations incessantes de ce revenu. Cette mobilité du cadastre, si l’on suivait la mobilité du revenu, serait l’effroi du propriétaire. La répartition individuelle, fondée sur les revenus, devrait suivre, pour être juste, les variations de revenus, soit au fur et à mesure qu’elles se produisent, soit à des périodes déterminées, même assez courtes. Dans le même ordre d’idées le changement ou la révision deviennent inutiles ou impossibles, car il faudrait que le renouvellement se fit, pour ainsi dire, en même temps pour chaque commune. Recourir aux actes de vente pourrait être la meilleure base générale et uniforme de répartition. On pourrait avoir une règle unique, s’appliquant à tous, si l’on veut admettre comme assiette de l’impôt le capital et non le revenu. Aujourd’hui les dissimulations de prix sont bien difficiles, sinon impossibles, et on a tous les moyens possibles dé les atteindre.

La plupart des auteurs et des fonctionnaires avouent l’inutilité des efforts pour arriver à de bonnes répartitions sur les bases d’estimation telles qu’elles ont été adoptées. Le comité des finances de l’Assemblée constituante disait « Le cadastre seul peut assurer à chaque citoyen la jouissance complète et tranquille de sa propriété ; sans cadastre, on sera toujours très loin d’une bonne répartition de l’impôt foncier. »

On a vu combien la réalité est loin de ce principe.

De 1808 à 1821, l’évaluation devait reproduire le revenu moyen des huit années de 1783 à 1790 et des sept années de 1797 à 1803. Les mercuriales de ces quinze années servaient à fixer en argent la valeur des divers produits du sol. En 1813 seulement, on essaya la péréquation entre les cantons. Après 1821, on s’est attaché, non à exprimer le revenu vrai, mais à établir la proportionnalité entre toutes les parcelles d’une même commune. D’où il suit qu’une démarcation très nette doit séparer les opérations cadastrales faites en vue de l’impôt et celles en vue de la déli mitation des héritages. Le travail minutieux, long et compliqué du mesurage de toutes les parcelles ne peut être utilement et efficacement entrepris que par les propriétaires et dans leur intérêt. Pour qu’il leur soit utile, il faut qu’il soit contradictoire. Autrement, il ne laisse aucune trace sur le terrain. Le plan, les écritures qui le constatent ne servent à personne.

Il doit fournir au propriétaire immobilier le moyen de prouver presque immédiatement son droit de propriété. De même que le propriétaire d’une rente possède un extrait de son inscription au grand livre, le propriétaire foncier doit posséder un extrait de son inscription au cadastre.