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bre 1795, confirma ces premiers votes de la Constituante, sans parvenir à les faire suivre d’exécution. On procéda aux mesures ordonnées d’une façon irrégulière. On fit arpenter 1800 communes afin de faire ensuite la répartition par analogie, mais ce travail fut tellement imparfait qu’on l’abandonna. Puis on fit faire l’évaluation au moyen d’experts sur des masses de cultures, en demandant aux propriétaires une déclaration de contenance. C’étaient autant de mesures inutiles.

La loi des 16-23 septembre 1791 ordonna de commencer sur-le-champ le travail : 1 ° en formant des plans de masse qui auraient pour base les grands triangles de l’Académie des sciences et présenteraient la circonscription de la commune et sa division en sections ; 2° en formant ensuite les plans de détail qui en devaient composer le parcellaire.

Le 22 janvier 1801, les consuls ordonnèrent de procéder au cadastre sur la déclaration des propriétaires, sans faire arpenter les terres. On n’obtint que des résultats erronés.

L’insuffisance de ce système fit qu’on dut procéder géométriquement.

De vives oppositions se déclarèrent. « On a toujours été effrayé en France, disait Bigot de Préameneu, d’un travail d’ensemble, parce qu’on le veut géographique et mathématique. »

Lebrun disait : « Un cadastre général serait une œuvre monstrueuse qui coûterait 30 millions et vingt ans de travail. La mensuration et l’évaluation ne sont pas ce qu’il y a de plus difficile. C’est la connaissance des rapports des divers départements. »

En 1802, le gouvernement chargea une commission de proposer le meilleur mode d’exécution. Elle fut composée de fonctionnaires des contributions directes que domina l’esprit fiscal. Ne voyant que l’assiette de l’impôt, ils imaginèrent le cadastre par masses de culture exécuté par un entrepreneur choisi par le préfet, sous le titre de géomètre en chef.

On retrouve les mêmes principes dans l’exposé des motifs de la loi du 15 septembre 1807. La nouvelle commission chargée de déterminer le mode d’opérer fut composée de la même façon, eut les mêmes vues. Elle décida que l’opération se ferait en l’absence des propriétaires qui, seulement après, pourraient approuver ou critiquer. Les géomètres devenaient les juges souverains de ce qu’ils avaient fait. On dépensa en pure perte 20 millions de 1802 à 1808.

Le 27 janvier 1808, est ordonné l’établissement d’un cadastre général et parcellaire.

En 1819, M. de Villèle fit procéder à un levé, dans chaque arrondissement, d’un certain nombre d’actes de bail et, à défaut, d’actes de vente. Ce travail fut fait trop vite et, par suite, incomplètement. Ce fut pourtant une amélioration.

La loi du 3 juillet 1821 consacra l’application de ce système.

En 1837, nouvelle commission, nouvel échec.

Le cadastre n’a été conçu, puis exécuté, on le voit, qu’en vue dela répartition de l’impôt. En 1791, en 1807, en 1821, en 1850, ce sont toujours les lois de finance qui règlent ce qui le concerne.

Depuis 1806 enfin, il a toujours été placé dans les attributions du ministre des finances.

M. Léon Say, ministre des finances, présenta le 19 mai 1879, à la Chambre des députés, un projet de loi dans lequel il rappelait que la loi votée le 3 août 1871 par l’Assemblée nationale, prescrivant au gouvernement de préparer un projet de nouvelle répartition de la contribution foncière, rendait indispensable la solution de la question du cadastre. Il disait que la répartition individuelle ne saurait être régulièrement effectuée que par le cadastre, en exprimant l’idée qu’il fallait satisfaire aux vœux de la propriété foncière, qui demandait énergiquement que le cadastre lui donnât satisfaction au point de vue de l’identité des parcelles et de la fixation de leurs limites. Il affirmait qu’il importait de séparer les propriétés bâties et non bâties.

D’après l’art. 1, le conseil général désignait les communes à cadastrer et décidait si les plans devaient être renouvelés en tout ou en partie, ou révisés.

Les art. 2 à 9 donnent la marche à suivre pour les opérations, notamment aux propriétaires toutes facilités compatibles avec le Code afin qu’ils puissent faire servir le cadastre à l’assiette de la propriété, en trouvant dans les extraits certifiés un acte véritable de bornage et des documents précieux pour faire valoir leurs droits.

L’art. 11 permettait aux propriétaires de faire rectifier les erreurs ; les art. 12, 13 14, aux conseils généraux d’assurer la conservation (C’est ainsi qu’on procède en Belgique, en Hollande et dans certaines parties de l’Allemagne).

L’art. 15 autorisait les conseils généraux à voter les fonds nécessaires au renouvellement, à la conservation et à la péréquation.

Dans la session de 1880, M. Mathé, député, déposa une proposition de loi, dans l’exposé des motifs de laquelle il constatait que, si une solution n’était pas intervenue, « c’est qu’on n’avait pu se mettre d’accord sur le système à adopter et que l’on avait toujours considéré la dépense à faire comme démesurée ».