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budgétaire. Ici encore, on comprend sous une dénomination commune des budgets de nature très différente. On a parfois donné le nom de budget rectificatif au nouveau projet qu’un ministre présente avant le vote des Chambres pour remplacer un projet antérieur ne répondant plus à la pensée du gouvernement. Cette appellation est inexacte. Le budget rectificatif est celui qui est voté pendant l’exercice à l’effet de modifier le budget en cours d’exécution. Les changements à apporter aux premières prévisions peuvent être la conséquence d’événements politiques survenus depuis le vote de la loi de finances. C’est ainsi que des budgets rectificatifs ont marqué les dates de nos révolutions 1814, 1815, 1830, 1848, 1871. Comme ces budgets reprennent à nouveau tout l’œuvre du budget primitif, ils ne dérogent pas au principe de l’unité.

Nous avons vu qu’en Italie l’objet principal du budget rectificatif est de rattacher les reliquats actifs et passifs des exercices clos aux recettes et aux dépenses du budget de prévision. Ce budget ne porte atteinte à la règle de l’unité qu’à cause de l’importance des restes qu’il absorbe. Enfin, sous le premier Empire, dans les premières années de la Restauration et plus tard, de 1834 à 1852 et de 1863 à 1870, des budgets rectificatifs ont été votés chaque année en vue de remanier, d’après les besoins constatés au cours de l’exercice, les prévisions du budget primitif. C’est surtout sous le second Empire que se sont révélés les vices de ce système. La perspective du budget rectificatif était pour les services une incitation à la dépense ; elle nuisait même parfois à la sincérité du budget primitif. Le gouvernement ne demandait aux Chambres qu’une partie des sommes qui lui étaient nécessaires, avec l’espoir d’obtenir du budget rectificatif un complément de crédit. Les dépenses de ce dernier budget n’étaient couvertes, en général, que par des annulations de crédits qui conservaient jusqu’à la clôture de l’exercice un caractère problématique. L’équilibre se trouvait donc sérieusement compromis et c’est avec raison que ce système a été définitivement abandonné en 1871.

Chez nous, l’équilibre du budget peut être encore troublé, soit par les crédits supplémentaires ou extraordinaires nés au cours de l’exercice, soit par les crédits complémentaires nés après sa clôture. Le législateur a donc pris soin de fixer les conditions dans lesquelles ces crédits pourraient être ouverts.

Les règles relatives aux crédits supplémentaires et extraordinaires ont d’abord été édictées par la loi du 16 septembre 1871, – la même qui a rétabli le vote par chapitre et supprimé la faculté de virement d’un chapitre à l’autre ; – elles ont ensuite été complétées par une loi en date du 14 décembre 1879.

Celle-ci commence par confirmer, dans son article premier, le principe déjà posé par la loi de 1871, d’après lequel les crédits supplémentaires et extraordinaires ne peuvent être accordés qu’en vertu d’une loi ; elle donne ensuite la définition des deux natures de crédits.

« Art. 2. Les crédits supplémentaires sont ceux qui doivent pourvoir à l’insuffisance dûment justifiée d’un service porté au budget et qui ont pour objet l’exécution d’un service déjà voté, sans modification dans la nature de ce service.

Les crédits extraordinaires sont ceux qui sont commandés par des circonstances urgentes et imprévues et qui ont pour objet ou la création d’un service nouveau, ou l’extension d’un service inscrit dans la loi de finances au delà des bornes déterminées par cette loi ».

On conçoit que le besoin d’un crédit nouveau puisse se révéler pendant l’intervalle des sessions parlementaires. Dans le cas de prorogation normale, – c’est-à-dire lorsque la Chambre des députés n’est ni dissoute ni ajournée, – des crédits supplémentaires et extraordinaires peuvent être ouverts par décrets, sous la double condition que ceux-ci soient rendus en Conseil d’Etat et qu’ils aient été délibérés et approuvés en conseil des ministres. Mais ces crédits n’ont qu’un caractère provisoire ; les décrets qui les ont créés doivent être soumis à la sanction des Chambres dans la première quinzaine de leur plus prochaine réunion.

Ces diverses règles étaient déjà contenues dans la loi de 1871 ; la loi de 1879 ajoute que les décrets indiqueront les voies et moyens qui seront affectés aux crédits demandés[1].

De plus, les crédits supplémentaires ne peuvent être accordés que pour des services déterminés. La nomenclature de ces services avait été arrêtée une fois pour toutes par la loi de 1871 ; la loi de 1879 a décidé qu’elle serait annexée chaque année à la loi de finances.

Enfin, la même loi interdit d’ouvrir par décret des crédits extraordinaires ayant pour objet la création d’un service nouveau.

Les crédits complémentaires sont ceux qui sont nécessités par les dépassements de crédits reconnus après la clôture de l’exercice. Quelles que soient les précautions prises pour renfermer les dépenses dans les limites

  1. Cette dernière règle avait déjà été édictée par les lois des 18 juillet 1836 et 16 mai 1851.