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aurait pour inconvénients de multiplier à t l’excès les discussions budgétaires, de compliquer la tâche de l’administration, d’affai- t blir l’autorité du gouvernement et d’enlever 1 tout caractère de stabilité à la politique financiêre de l’État.

En présence de ces nécessités contradictoires, on conçoit que la durée des budgets ait pu varier avec les époques et qu’elle J puisse encore être différente d’un pays à un autre. Le budget a été décennal dans le royaume des Pays-Bas, de 1815 à 1830. Il est actuellement triennal dans le grand-duché de Hesse et dans quelques États secondaires de l’Empire d’Allemagne, biennal dans d’autres États allemands et dans plusieurs républiques hispano-américaines. Mais ce ne sont là que des particularités. Tous les grands États de l’ancien et du nouveau monde qui possèdent un système financier organisé ont un budget annuel.

Cette durée est logique. Le budget, pris dans son ensemble, n’est qu’une série de prévisions et de dispositions relatives aux revenus. Il détermine la somme qui doit être prélevée sur le revenu général de la nation pour former le revenu de l’État. Les crédits qu’il accorde pour l’exécution des services publics constituent, à leur tour, le revenu de ces services. Or, il est d’usage que le compte des revenus s’établisse annuellement dès l’ancienne monarchie, les états de prévoyance et les états au vrai, c’est-à-dire ce que nous appellerions aujourd’hui les budgets et les comptes, ne s’appliquaient jamais qu’aux recettes et aux dépenses d’une année.

Il n’a pas tenu à M. de Bismarck que le budget fédéral de l’empire allemand ne fit exception à la règle. Après avoir proposé sans succès une modificationàla Constitution dont l’objet était de porter la durée des budgets à deux ans, il essaya d’obtenir du Reichstag qu’il consentità voter deux budgets consécutifs dans la même session, de manière à n’avoir de discussion financière que tous les deux ans. Le budget de l’année 1884-1885, repoussé une première fois par l’Assemblée, finit, en effet, par être voté quatre mois après celui de l’année 1883-1884. (Lois des 2 mars et 2 juillet 1883). Mais depuis, la tentative n’a pas été renouvelée et les derniers budgets de l’empire n’ont été promulgués que quelques jours avant l’ouverture de chacune des années financières.

L’annualité du budget implique, en général, pour les Assemblées, le droit d’examiner, de discuter et de voter en détail chaque année toutes les recettes et toutes les dépenses de l’État. Ce principe n’est pas appliqué partout avec la même rigueur. En Italie, les dépenses fixes, c’est-à-dire celles qui résultent de lois organiques ou d’engagements permanents et qui ont des échéances déterminées, sont, en général, votées une fois pour toutes et l’examen annuel ne porte que sur les dépenses variables. Mais c’est là un usage auquel le Parlement se conforme volontairement et qui n’a rien d’obligatoire pour lui. En Allemagne, pour mettre les dépenses militaires à l’abri des réductions de crédits, des lois spéciales fixent pour une durée de sept années les effectifs en temps de paix de l’armée et de la marine, (Lois de mai 1874, de mai 1880 et de mars 1887) et l’on sait que la dernière de ces lois n’a été obtenue qu’après une dissolution duReichstag. Aux États-Unis, le service de la dette est soustrait à la discussion annuelle du Congrès ; sa dotation est indépendante de la loi d’appropriation des recettes aux crédits. Enfin, en Angleterre, il existe une sorte de budget permanent connu sous le nom de fonds consolidé.

Cette réserve, créée et maintenue dans le budget du Royaume-Uni, mérite qu’on s’y arrête, parce qu’elle a toujours été le principal argument de ceux qui cherchent à restreindre les attributions financières du Parlement. On en a, en général, beaucoup exagéré l’étendue etla portée. Constitué, en 1787, par la réunion de trois fonds qui étaient votés jusque-là au moins pour toute la durée d’un règne, le fonds consolidé n’a guère d’autre effet que de créer, au profit de certaines dépenses, un privilège sur le produit des impôts permanents Les dépenses qui y sont inscrites ne sont pas mises constitutionnellement au-dessus de toute discussion de la part du Parlement il est seulement établi qu’une loi spéciale votée par les deux Chambres2 et sanctionnée par la Couronne est nécessaire pour les augmenter, les réduire ou les supprimer. De plus, en dehors de quelques dépenses judiciaires, le fonds consolidé ne comprend guère, dans sa nomenclature, que les dépenses qui, sous le nom de Dette publique et Dotations, constituaient naguère la première partie de notre budget c’est-à-dire les intérêts de la Dette consolidée et de la Dette flottante, les annuités di- Le reliquat du fonds consolidé, c’est-à-dire l’excédent du produit des impôts permanents sur les dépenses noa votées annuellement est appliqué aux dépenses variables (supply services). Celles-ci sont l’objet de trois tableaux ou budgets distincts (estimates), l’un pour l’armée, le second pour la marine, le troisième pour les services civils. 2. On verra plus loin il n’est pas hors de propos d’en faire ici la remarque,— que les attributions de la Chambre des lords en matière financière sont étroitement limitées par la constitution et par l’usage.