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BLOCUS CONTINENTAL 200 BLOCUS CONTINENTAL commerce (V. ce mot). En vertu de cette fic- commit ainsi que les commerce (V. ce mot). En vertu de cette fiction, la douane devait veiller à ce que l’on expédiât plus d’objets français fabriqués (parmi lesquels devait figurer une certaine quantité de soiries) qu’on n’importait de produits exotiques, tirés d’Angleterre. Mais, comme à cette époque l’Angleterre refusait d’admettre les soi eries et les autres marchandises françaises, le capitaine de navire ne pouvait sortir d’embarras qu’en jetant ses exportations à l’eau. On conçoit que, pour que l’affaire fût profitable, il fallait que des marchandises noyées fussent de peu de valeur, et c’est à quoi on arrivait en faisant fabriquer à Lyon des tissus de qualité très inférieure, auxquels on donnait de l’apparence et du poids au moyen d’un fort encollage. La facture était dressée en conséquence le certificat d’origine s’ensuivait ; il en était de même pour la légalisation des signatures, les autres formalités et finalement la déclaration d’importation. Et c’est ainsi que moyennant 50000 fr. de marchandises sacrifiées, on introduisait 20000 ou 30000 fr. de marchandises anglaises. L’expéditeur ne perdait rien à cette opération ; mais la masse des consommateurs perdait précisément les 50000 francs qui ne profitaient à personne et qu’elle devait rembourser ainsi que l’excès de valeur en échange provenant du monopole. Si doncla balance était favorable d’après les registres de la douane, l’opération était très défavorable en réalité.

Il y avait aussi des licences pour traverser l’Océan et aller en Amérique ; moins recherchées, moins importantes, elles avaient pour but et pour prétexte l’importation du riz, car le pain était cher. Ces licences de riz faisaient fonction de pluie d’or dans les galanteries de second ordre. Les expéditeurs opéraient comme dans des cas précédents et balançaient, par exemple, avec des soieries de faible valeur.

Il est inutile d’insister sur ce que cet octroi delicences avait d’absurde, d’inique, d’immoral et d’odieux.

Les effets du blocus continental ne tardèrent pas à irriter les peuples qui s’y étaient soumis. La Suède se détacha la première du système ; leroide Hollande aima mieux abandonner sa couronne que de poursuivre plus longtemps l’exécution du blocus. L’empereur Alexandre se résolut à affronterles dangers de la guerre, et finalement la plupart des puissances furent amenées à former une coalition pour se soustraire aux exigences d’un système qui anéantissait leur commerce terrestre et maritime. On sait que Napoléon, pour forcer le Portugal à se brouiller avec l’Angleterre, avait porté la guerre dans la péninsule ibérique et que les fautes qu’il y commit, ainsi que les revers qu’il y.essuya, marquèrent le commencement de sa ruine. L’histoire nous apprend aussi que les deux empereurs qui s’étaient embrassés à Tilsitt en vinrent aux mains parce que l’un voulait vaincre la mer par la terre et que l’autre s’aperçut de l’impossibilité d’empêcher sessujets de vendre les produits de leur sol et de s’approvisionner au mieux de leurs intérêts.. Telle est l’histoire et tels sont les résultats, du blocus continental, d’après l’article queJoseph Garnier avait consacré à ce sujet. dans la précédente édition de ce Dictionnaire. Il nous reste à examiner les effets du blocus maritime que le gouvernement anglais avait établi par la promulgation des ordres en conseil.

Ces « ordres » étaient au nombre de dixhuit. En voici le résumé, d’après l’Edinburg Review

° Toute la France et les pays tributairessont en état de blocus ; seront saisis tous les. navires qui essayeront de trafiquer entre un port neutre et un port ennemi, ou vice versa. 2° Seront saisis tous les navires qui auraient à bord le certificat d’origine exigé parles décrets français.

° Tous les navires neutres se dirigeant vers un port français devront d’abord toucher à un port anglais ; après avoir acquitté les droits de douane, ils pourront, dans certains cas, continuer leur voyage.

° De même, tous les navires venant d’un port français devront se rendre, avec leur cargaison, dans un port anglais. Quant aux autres articles, ils indiquent les ports où les navires devront se rendre, les marchandises tolérées et les marchandises prohibées ; de plus, ils établissent quelques exceptions en faveur des neutres. Si l’on rapproche les décrets et les ordres en conseil, on voit que leur ensemble équivalait presque à la suppression du commerce des neutres. Les ordres défendaient ce que lesdécrets avaient permis et ils ordonnaient une conduite qui amenait la confiscation par les Français. Les représailles de l’Angleterre ne servirent donc qu’à renforcer le blocus du continent européen, et comme aucun navire n’osait sortir, l’Angleterre elle-même se trouva bloquée chez elle.

Les dommages causés aux neutres par lesordres en conseil, aussi bien que par les décrets ont été admirablement exposés dans la protestation que M. Rist, chargé d’affaires du. roi de Danemark, adressa de Londres, à « lord vicomte Itowich, secrétaire de Sa Majesté Britannique aux affaires étrangères ». M. Rist, en annonçant son rappel, déclare, au nom de la cour de Danemark, que les or-