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mencement BERTIN 188 BERTIN

cement du règne de Louis XVI. « Il avait surer la liberté du commerce des grains mencement du règne de Louis XVI. « Il avait le flair du courtisan », a dit de lui M. Pigeonneau1. Voltaire ne lui en fait pas un reproche ; il ne pouvait pas trouver mauvais qu’on voulût plaire à madame de Pompadour. Quand il parle de lui ce sont des éloges sans fin, en vers et en prose

Bertin, qui dans son roi voit toujours sa patrie, Prête un bras secourable à ta noble industrie 2. Lorsque Pigalle fit le dessin d’une statue du roi, « il en conçut les accompagnements, dit Voltaire, sur ces paroles qu’il avait lues dans le Siècle de Louis XIV « c’est un ancien usage « de sculpteurs de mettre des esclaves aux « pieds des statues des rois il vaudrait « mieux y représenter des citoyens libres et « heureux. » Il communiqua cette idée à M. Bertin qui, en qualité de ministre d’Etat et plus encore de citoyen, la saisit avec chaleur et doubla sa récompense ; ainsi c’est à lui que nous devons l’abolition de cette coutume barbare de sculpter l’esclavage auxpieds de la royauté 3 ».

Voltaire aurait peut-être rabattu de ses éloges, s’il eût connu la note secrète envoyée par Bertin à M. de la Barberie sur ce qu’il fallait être prêt, aussitôt que Voltaire serait mort, à mettre sous les scellés tous ses écrits ou manuscrits concernant la religion et les meeurs, « même ceux d’histoire, dans lesquels il larde toujours du sien ».

Trois grands faits marquent la vie de Bertin et lui font une place à part dans l’histoire économique de son siècle.

Il a signé le premier édit de liberté du commerce des grains.

Il a été le collègue de Turgot dans le grand ministère, de 1774 à 1776, et l’a soutenu dans le conseil lors de la discussion des grands édits de 1776.

Il a fondé les sociétés d’agriculture, notamment la plus fameuse, la société d’agriculture de la généralité de Paris, devenue la société royale, puis nationale d’agriculture de France et a donné une impulsion très efficace à l’agronomie.

Le 13 avril 1762, Bertin, alors contrôleur général, se prononçait très nettement en faveur de la liberté du commerce des grains, dans une circulaire où il disait « S. M., toujours attentive au progrès de l’agriculture, a cru ne pouvoir rien faire de plus utile que d’asi. Administration de l’agriculture, par Pigeonneau et de Foville, Introduction, p. vi.

. Épitre à Mme Denis sur l’agriculture, Voltaire, édit. Lefèvre, t. XIII, p. 234.

. Voltaire, Correspondance générale, lettre 5878 à Daembert. it surer la liberté du commerce des grains. «  Un an plus tard, il publiait la déclaration du 27 mai 1763, qui assurait la libre circulail tion des grains dans l’intérieur du royaume 1t et affranchissait les ventes et achats de grains il de la plupart des entraves que les règlements y apportaient. Mais, toujours préoccupé de ne pas heurter de front les préjugés et cherchant à ne pas donner à ses innovations l’air de réformes, il présentait sa loi de liberté comme si son objet était u simplement de confirmer les édits antérieurs it et d’en rendre les dispositions plus efficaces. Il voulait qu’on crût qu’au lieu de faire une e nouveauté, il restait fidèle aux vieilles trax ditions. «Les rois mes prédécesseurs, faisait-il t dire à Louis XV, ont regardé la liberté de t la circulation dans l’intérieur comme néà cessaire à maintenir ; mais les précautions t qu’ils ont cru devoir prendre pour empêcher les abus, ont donné quelque atteinte à la liberté. »

Confirmée par l’édit de 1764 et abandonnée s en 1770 par l’abbé Terray, la réforme de la législation sur les grains ne devait être res prise qu’en 1774 par Turgot. Bertin, qui faisait alors partie du ministère réformateur et 1 qui avait l’honneur de siéger avec Turgot dans le conseil, accueillit, avec une satisfaction mêlée de crainte, le retour aux idées 3 qu’il avait essayé, sans succès, de réaliserdix années auparavant. Il ne voyait pas sans effroi son grand collègue s’attaquer à des adversaires puissants avec une audace qui lui paraissait téméraire. Il craignait les mouvements populaires, Paris surtout, dont l’approvisionnement lui apparaissait comme unedifficulté politique de premier ordre. Son

exercice de la charge de lieutenant de police lui en avait beaucoup appris à cet égard. « La ville de Paris, écrivait-il à Turgot, article essentiel qu’il serait trop long de traiter, article qui est le noli me tangere de l’affaire, devrait être, dans l’exécution, placée plus longtemps après tous les autres, si jamais on osait le tenter, avec tous les ménagements et délicatesses possibles. Il rappelait toutes, ses temporisations de 1762 à 1764. « Je voulais, pendant une année ou deux, laisser les choses en cet état, pour accoutumer le Français et lui faire connaître, par sa propreexpérience, l’utilité de la chose. » En envoyant, ces observations à Turgot il lui écrivait encore « Les pièces que vous m’avez adressées, en faisant renaître mes espérances et pour le bien général et pour celui de mon département (l’agriculture), ont renouvelé tous mes regrets sur le passé. Ne croyez pourtant pas que ce soit là ce qui me fait rabâcher, sur ce passé, comme je le fais