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tie sur le droit, font déjà une place à notre science elles comportent des leçons et des compositions d’économie politique.

Ce n’est pas encore assez. Il faut que ces leçons et ces compositions soient non plus facultatives, mais obligatoires. Il faudrait même davantage une agrégation spéciale, ouverte non seulement à des docteurs en droit, mais encore à des philosophes, à des historiens, etc.,

Au reste, ce ne sont là que de simples indications. Ce qui importe, c’est de traiter l’économie politique comme les autres sciences ; c’est de ne pas l’abandonner aux seuls amateurs, collaborateurs très précieux qui peuvent bien vulgariser la science, mais non la perfectionner ; c’est de lui procurer un recrutement normal de professeurs, dont l’économie politique soit l’occupation principale, sinon exclusive, et dont toute l’ambition sera le progrès de la science.

B. Elle en a besoin. Il n’y a pas de science qui, en France, ait été, depuis cinquante ans, plus attaquée que l’économie politique. On a dit qu’elle n’était qu’une littérature plus ennuyeuse que les autres ; on lui a dénié le caractère d’une science, même la possibilité d’en devenir jamais une ; on a affecté de considérer les économistes ici comme une secte intransigeante, là comme une bande de philosophes humanitaires ; enfin, on lui a refusé le droit d’intervenir effectivement dans les affaires publiques.

Contre tant d’accusations, comment l’économie politique pouvait-elle se défendre ? Par des apologies et des théories  ? On en eût dit Sunt verba et voces præterea que nihil. Par des actes  ? Oui, par des actes. Mais alors, il fallait être: au pouvoir, et, en France, l’économie politique y a été trop peu.

En Angleterre, où les plus éminents des ministres étaient pénétrés de ses enseignements et les ont fait passer en pratique, elle a accompli une œuvre immense : les impôts, la dette publique et l’amortissement, la colonisation, le régime commercial, la monnaie, tout porte son empreinte. En France, au contraire, c’est seulement à de longs intervalles et pendant de trop courts moments, c’est surtout pendant des périodes peu favorables à leurs idées et peu propices à leur application que des économistes ont pu diriger la politique. Leur influence s’est trouvée ainsi fort limitée. La plupart des affaires qui eussent été de leur domaine, ce ne sont pas eux, ce sont des juristes, des ingénieurs, des militaires, qui les ont conduites et de la façon la plus empirique ; et la seule grande réforme que notre pays leur ait due, et qui a si puissamment agi sur le développement de la richesse, a été réalisée au moyen de procédés qui n’étaient pas absolument les leurs. Nous parlons ici de la réforme qui a introduit en France le libre-échange. Cette réforme, d’ailleurs, avec tout ce qu’elle a exigé d’eux pour la préparer et plus tard pour la défendre, a eu les conséquences les plus imprévues pour l’économie politique.

Le libre-échange théorique et le libre-échange mitigé qui a été acclimaté chez nous par le régime des traités de commerce, ont été l’occasion des luttes les plus vives. Le pays s’est divisé et, depuis cinquante ans, reste divisé en deux partis, qui, à intervalles fréquents, se réveillent pour combattre les protectionnistes et les libre-échangistes. Or, les libre-échangistes. ont été, par l’opinion