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lieu d’émettre directement du papier-monnaie, se sont fait faire par leurs banques privilégiées des avances en billets au porteur et les ont dispensées de l’obligation de rembourser les billets en espèces à bureau ouvert. C’est un expédient gros de mauvaises conséquences. Les banques ne peuvent pas voir si leurs émissions sont trop fortes, comme lorsque les billets arrivent pour se faire rembourser, et les États sont enclins à multiplier les billets. Il esttrès rare que la confiance ne diminue pas et que les billets conservent leur valeur nominale par rapport aux métaux précieux. Une fois qu’on est engagé dans le cours forcé, il est difficile d’en sortir. L’Angleterre est restée pendant vingt ans sous ce régime. Quand l’Autriche et la Russie pourront-elles racheter tout le papier qu’elles ont émis ?Les peuples, n’ayant plus aucun étalon solide de la valeur, souffrent dans leur commerce intérieur, et surtout dans leurs relations avec l’étranger.

On afait encore observer en France que c’est spécialement pour aider le commerce et l’industrie que les banques sont créées, et que les ressources qu’elles doivent mettre en œuvre à cet effet sont nécessairement amoindries en proportion des prêts que l’État exige de leur part. Hippolyte Passy a montré aussi le risque qu’elles courent. « Certes, a-t-il dit, les banques privilégiées auraient tort de laisser dormir le capital de fondation. Bien mieux vaut pour elles le placer en valeurs productives, mais en valeurs qui soient aisément négociables et transférables à autrui. Quand elles opèrent ainsi, elles perçoivent un intérêt et n’en conservent pas moins la faculté de réaliser en cas de besoin une portion de leur avoir. C’est cette faculté qu’elles perdent toutes les fois que l’État s’est fait remettre tout ou partie de leur capital. Tout prêt à l’État ajoute aux billets adossés à des effets de commerce à échéances connues, des billets auxquels ne répondent que des créances non recouvrables ou ne devant le devenir qu’à des époques incertaines ouéloignées. Ceux-ci, bien que payables à vue, n’amènent pas comme les autres les rentrées promptes et régulières que nécessite l’entretien continu de la réserve métallique, et plus il en a été émis, plus les banques sont exposées à l’impuissance de tenir leurs engagements 1. »

Dans les diverses occasions où cette ques- 1 tion a été débattue dans les livres et dans les c chambres, on a donné des raisons diverses c pour et contre l’alliance d’intérêt des États r et des banques d’émission.

i. Séances et travaux de l’Académie des sciences morales et poditiques, avril 1864. e

émettre directement du papier-mon- Lorsqu’une banque privilégiée vient sont fait faire par leurs banques pri- s’établir dans un pays où il n’existait ’s des avances en billets au porteur et d’institution semblable et où l’opinion Lorsqu’une banque privilégiée vient à s’établir dans un pays où il n’existait pas d’institution semblable et où l’opinion est encore méfiante, il peut être bon, pour la rassurer, que la banque offre au public la garantie d’un capital placé aussi sûrement que possible en dehors de ses affaires ; mais il n’en est pas de même lorsqu’une banque possède la confiance du public, tant par une bonne gestion que par une forte réserve métallique ; le capital peut alors servir de moyen d’action autant et même plus utilement que de moyen de garantie. Il n’offre pas plus de sûreté lorsqu’il est placé en rentes sur l’État que lorsqu’il l’est en escompte de bon papier de commerce. Dans

les moments de crise les rentes cessent d’être réalisables, puisqu’elles ne pourraient être vendues qu’au préjudice de la banque et du marché financier, tandis que les fonds employés en escompte d’effets de commerce rentrent successivement dans de courts délais et entretiennent l’encaisse.

Une banque dont le capital est immobilisé possède bien une encaisse métallique ; mais cette encaisse, alimentée par le mouvement de ses affaires, ne lui appartient pas pour la plus grande partie, et si une crise vient à multiplier le nombre des billets qui se présentent au remboursement, comme c’est

précisément le temps où, sous la même influence, les dépôts en compte-courants se retirent, la banque peut se trouver très promptement dans l’embarras. On vit alors sous la menace des mesures extrêmes la suspension de payement ou le cours forcé.

La banque qui dispose de son capital n’échappe pas toujours à la nécessité de recourir à des mesures restrictives ; elle peut être obligée de restreindre l’escompte, soit en élevant le taux, soit en raccourcissant les échéances ; mais c’est seulement lorsque le marché est, en général, dans une situation anormale. Il se présente moins souvent des causes d’appréhension particulières qui amènent à le faire. En tout cas, il y a plus d’aisance et de sûreté dans les affaires. Il est possible en temps ordinaire de faire des escomptes en plus grande quantité et de se préparer des ressources pour les temps dificiles, en acquérant soit des lettres de change

ur l’étranger, soit des métaux précieux.

Voici maintenant les raisons données par a partie adverse. Le capital des banques étant lestiné à venir au secours du portefeuille en

as d’accident, il en doit être distinct pour

le pas être soumis aux mêmes éventualités. Il convient dès lors de l’employer dans un placement collatéral, et le plus sûr de tous st le placement sur l’État. Une banque