Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/120

Cette page n’a pas encore été corrigée

98 ASSURANCE

dire aux assureurs, qu’il est surtout utile pour répartir les pertes d’un exercice moins heureux, pour éviter les pertes ultérieures possibles, pour garantir, en un mot, les actionnaires contre les atteintes qui pourraient compromettre la productivité ou la conservation du capital engagé. Le fonds de réserve ne présente, au contraire, presque aucune utilité pour l’assuré, si ce n’est d’une manière indirecte, en ce que la constitution de réserves puissantes est une preuve de bonne administration de la société.

Dans les sociétés mutuelles, les associés étant à la fois assureurs et assurés trouvent un supplément réel de garantie dans la constitution d’un fonds de réserve.

En résumé, la solvabilité personnelle de l’assureur ne constitue qu’une garantie supplémentaire dont le rôle est loin d’être prépondérant dans les opérations d’assurance ; son importance relative diminue quand s’accroît le chiffre des valeurs qu’elle protège, et elle ne saurait à elle seule soutenir l’efficacité des opérations. La garantie qui résulte du prix des assurances est, au contraire, la seule bonne et durable, sa valeur s’accroit dans la mesure des développements de l’entreprise, par la raison que le nombre et l’importance des sinistres tendent alors à être exactement conformes aux indications de la probabilité. Toutefois son efficacité définitive est subordonnée à une direction prudente et avisée. Quel sera le moyen de reconnaître si, dans une entreprise d’assurance, la garantie n’est pas illusoire, c’est-à-dire si les risques sont bien appréciés et les tarifs équilibrés  ? On peut affirmer qu’il est impossible d’avoir un critérium certain de la régularité des opérations d’un entrepreneur d’assurances tout aussi bien que de celles d’un entrepreneur de crédit ; on ne peut donc en juger que sur des indices, et encore faut-il se garder de leur attribuer indistinctement une autorité qu’ils ne méritent qu’à des degrés très divers et qui peut être illusoire. Ainsi, le chiffre des capitaux assurés, qui est un élément de prospérité dans une entreprise bien conduite, n’est pas le signe probant d’une bonne gestion. Nous avons dit ce qu’il faut penser de l’utilité, comme garantie, d’un important capital social, alors même qu’il serait tout entier réalisé et placé en valeurs sûres. Le seul indice sérieux et direct de la prospérité d’une entreprise d’assurances paraît être le rapport des engagements aux réserves. C’est un avantage précieux de la concurrence qu’elle invite les compagnies à publier des comptes rendus détaillés de leurs opérations ; ces comptes sont d’autant plus clairs que l’entreprise est plus prospère et qu’elle défie

les critiques des entreprises concurrentes. Un signe indirect peut s’ajouter à cet indice pour les sociétés par actions, c’est le cours de leurs titres sur le marché des valeurs ; ce signe du crédit d’une compagnie prend une assez grande autorité si le cours de ses actions a été en progression constante depuis la fondation.

10. L’indemnité.

L’indemnité est l’obligation de l’assureur devenue exigible par suite de la réalisation du sinistre prévu. Cette obligation consiste dans la réparation pécuniaire du dommage causé par l’évènement à la valeur assurée. Si l’on recherche quels doivent être les principes de fixation de l’indemnité, on trouve qu’ils peuvent être ramenés à quelques notions très simples qu’il suffira d’indiquer en peu de mots.

L’indemnité ne saurait être, en aucun cas, supérieure à la somme pour laquelle la valeur atteinte a été assurée ; cette somme est en effet, comme on l’a vu plus haut, un maximum posé à l’obligation de l’assureur. L’indemnité peut être égale à ce maximum dans le cas de perte totale de l’objet assuré. Enfin, lorsque le dommage n’est que partiel, le chiffre de l’indemnité est déterminé par l’importance même du préjudice éprouvé. Cependant le chiffre de l’indemnité ne reste pas toujours incertain jusqu’à réalisation de l’événement et déterminé seulement par la constatation du préjudice éprouvé. Il est des cas où, par suite de convention expresse, l’indemnité est toujours et nécessairement égale au montant delasomme assure celle-ci n’est plus dès lors une limite posée à l’obligation de l’assureur, mais représente le chiffre même, fixé et convenu d’avance de cette obligation. Cette stipulation est usitée dans les assurances sur la vie. Ici, la perte matérielle ne paraitpas susceptible d’être fixée par expertise ou par tout autre mode d’instruction aussi, dans la pratique, la fixation du dommage est-elle purement arbitraire et déterminée par l’effet de la volonté des parties contractantes et, en outre, acquise par le fait même de l’évènement sans qu’il y ait lieu de rechercher si la perte existe réellement ou atteint des proportions moindres que celles prévues. A raison de ces indéterminations, le contrat d’assurance sur la vie, qualifié d’assurance de somme fixe, diffère essentiellement de ceux qui concernent les pertes matérielles résultant d’événements malheureux ; ces derniers sont dits assurances de sommes variables. Cette distinctionn’ôte pas aux assurances sur la vie le caractère d’assurances de dommages ; on peut considérer,


ASSURANCE