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ce droit qu’autant qu’il plairait au pouvoir public. La raison qu’on en a donnée est qu’à la différence des personnes naturelles qui existent par elles-mêmes etindépendamment de la loi et auxquelles on ne peut dénier ce droit de propriété nécessaire à leur existence, les êtres fictifs, les personnes morales (c’est le terme employé dans la langue juridique pour désigner les associations), n’ont d’existence que par la volonté de la loi. Et ainsi, dit-on, la loi qui leur permet de se former peut mettre à cette concession les conditions qui lui plaisent. Elle peut notamment décider que ces personnes fictives n’auront de biens qu’autant qu’il conviendra au gouvernement de le leur permettre et qu’elles ne pourrontexercer les droitscivils appartenant aux personnes vivantes droit de vendre, acheter, passer des baux, ester en justice, recevoir des dons et des legs qu’avec l’autorisation du gouvernement.

Cette prétention est fort injuste, car le droit d’association est condamné par un tel raisonnement. On dit de même les individus existent en dehors de la loi, mais isolément s’ils veulent faire des associations, ils ne le peuvent que par concession de la loi qui alors, si elle juge à propos de le leur permettre, y met les conditions qu’elle veut. Mais pourquoi la loi est-elle faite, et pourquoi sont faits les pouvoirs publics  ? Pour mettre obstacle à la liberté des citoyens ou pour la défendre  ? Pour entraver leurs droits naturels ou pour leur en garantir l’usage  ? Si l’on admet qu’ils doivent se proposer le second de ces deux objets, si l’on reconnaît ainsi que le droit d’association ne peut être entravé sans injustice, il faut bien concéder aussi aux associations le moyen de vivre ; or, pas plus que les personnes naturelles, elles ne peuvent vivre si elles ne possèdent. Le droit d’association reconnu entraîne donc aussi la reconnaissance de leur droit de propriété. Sans doute, cespersonnes juridiques étant d’autre sorte que les personnes naturelles, puisque c’est la loi qui les fait, leur droit de propriété ne peut être le même ; il doit être réglé et peut être limité. Mais il ne faut pas que sous le prétexte de limites et de règles, on le rende précaire, ou qu’on le supprime or, c’est ce que l’on fait, lorsqu’on le met à la discrétion de l’arbitraire admistratif, car alors rien n’est sûr ; le progrès et la vie même des associations dépendent du bon vouloir ou de la fantaisie de quelques hommes, instruments eux-mêmes du parti politique qui les a mis en place. Il faut que les conditions auxquelles les associations peuvent posséder, soient écrites dans la loi, et qu’ainsi elles soient certaines et connues d’avance.

t qu’autant qu’il plairait au pouvoir Leur droit de posséder peut être limité ; La raison qu’on qu’on en a donnée est qu’à assurément la loi peut fixer par exemple la

Leur droit de posséder peut être limité ; assurément la loi peut fixer, par exemple, la quantité d’immeubles que chaque association pourra avoir, en ayant soin que cette limitation ne soit point de nature à nuire au but que l’association se propose ; il s’agit seulement de ne pas mettre hors du commerce, pendant un temps peut-être assez long, unetrop grande quantité de terres ; mais aprèscette limitation, on doit reconnaître aux associations les droits nécessaires pour gérer ce patrimoine, à savoir les droits d’acheter, de vendre, d’administrer, de contracter, d’ester en justice et enfin de recevoir à titre gratuit, c’est-à-dire par dons et par legs, toujours dans les limites marquées. Étant bien entendu d’ailleurs que le patrimoinecollectif d’une association est soumis aux mêmes obligations administratives et fiscales que les patrimoines des particuliers.

Ces bornes mises à la fortune, ou tout au moins à la fortune immobilière de chaqueassociation, apaiseront les craintes que l’on conçoit quelquefois sur la grande extension possible du patrimoine des personnes morales, ou pour l’appeler du nom qu’il portait au siècle dernier et qui a gardé un senseffrayant, « des biens de mainmorte ».. L’exemple de celles de ces associations qui ont aujourd’hui ce droit de posséder et derecevoir est bien fait pour calmer de telles craintes. Il y en a peu, s’il y en a, dont le patrimoine donne un revenu suffisant pour faire face aux besoins ordinaires ; elles doivent chercher un supplément de ressources dans les cotisations de leurs membres ou dans les dons manuels qui échappent à toute prescription légale. La générosité de nos contemporains en faveur des associations charitables, d’éducation ou scientifiques, a plus besoin d’être excitée que retenue ; il n’y a pas à craindre que la mesure soit passée en ce sens.

Et, pour le dire en passant, prétendre limiter l’avoir de ces associations aux seules. cotisations de leurs membres, ou aux aumônes journalières, en prohibant les plus grands dons, les legs et enfin toute fortuneassise et établie, c’est les vouloir mettre souvent en pénible situation. Les cotisations peuvent être très variables, les dons le seront plus encore, tandis que les besoins qu’il faut contenter sont assez constants souvent même, lorsqu’il s’agira par exemple d’une société charitable, les besoins croîtront alorsque diminueront les ressources. Pourquoi interdire aux associations de faire un fondspour s’assurer quelque revenu destiné à garantir la durée de l’œuvre entreprise, commelorsqu’il s’agit d’un hôpital ou d’une univer-


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