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NOTICE
SUR LA VIE ET LES OUVRAGES
DE JEAN-BAPTISTE SAY[1].


Notre temps n’est pas précisément celui des convictions arrêtées, des doctrines fermes et réfléchies. Les demi-savants abondent ; la race des vrais savants se perd. Sur des études qu’animait naguère le feu de la croyance a passé on ne saurait dire quel souffle de découragement. Moins exercés, les esprits doutent volontiers d’eux-mêmes ; moins disciplinés, ils se laissent entamer au premier choc. Ainsi s’établit, dans plusieurs sciences, une sorte de confusion qui, du langage, passe peu à peu aux idées, les dénature et les énerve.

Pour réagir contre cet affaissement, rien n’est meilleur qu’un retour sur les hommes qui ont professé des opinions sérieuses et consacré leur vie entière à les défendre. Jean-Baptiste Say est de ce nombre. Personne ne mit plus de soin que lui, n’employa plus de temps à se former un corps de doctrines ; personne aussi, quand il fut formé, ne s’y attacha d’une manière plus inébranlable. Ce fut avant tout un esprit exact, une intelligence sure. Il aimait la vérité pour elle-même, dans le triomphe comme dans la défaite ; il la recherchait par l’effort de sa propre pensée et non en prêtant l’oreille aux bruits et aux préjugés du dehors. Les faits lui donnaient-ils raison ? il les acceptait sans orgueil comme une conséquence prévue. Semblaient-ils témoigner contre lui, il les discutait sans aigreur et remettait au temps le soin d’effacer quelques anomalies passagères. Il lui suffisait de s’être démontré et d’avoir démontré aux autres la vertu des principes : quant aux applications, il n’ignorait pas à quel point les circonstances peuvent en modifier la

  1. On a profité, pour rédiger cette notice, de celle qui avait été placée par Ch. Comte en tête du volume de Mélanges et Correspondance, publié en 1833, de l’Éloge prononcé par M. Blanqui à la séance annuelle des cinq Académies, le 3 mai 1841, ainsi que d’un travail inédit de M. Louis Reynaud, le spirituel auteur des Études sur les Réformateurs contemporains.