homme ; je vous l’aurais offert sans la crainte d’y mal réussir. — Je crois que vous le ferez très-bien au contraire. — Mais je ne connais pas assez les détails de l’affaire. — Je vous les communiquerai.
Eugénie se retira pour un instant, et rentra bientôt après avec son père. Mon père, lui dit-elle, engagez Monsieur à diner avec nous un de ces jours, afin que nous puissions lui donner les détails nécessaires pour le succès de l’affaire que vous savez.
Le vieillard pressa le jeune homme de fixer un jour, et après quelques compliments réciproques, la chose fut convenue. Latremblaye vint au jour indiqué ; le diner fut assez gai, et surtout sans façon. On parla de tout, hormis du motif qui avait été l’occasion de ce diner. Latremblaye trouva Eugénie charmante. Elle était instruite et avait de l’esprit. Le hasard les plaça fort près l’un de l’autre, et vers le temps du dessert, Latremblaye commença à s’apercevoir que Mlle de Mirande avait non-seulement un excellent cœur et une conversation agréable, mais que sa personne était fort séduisante, et qu’elle avait ce que n’ont point les trop jeunes femmes, ce besoin du sentiment, cette vie du désir qui embellit la beauté même.
Après le diner, elle s’empara de lui, et lui expliqua dans le plus grand détail les affaires de l’inconnue. Latremblaye l’écouta avec attention, et promit que dans deux jours le Mémoire serait rédigé. Il le fut, en effet, et le fut parfaitement bien. Force, clarté, précision, rien n’y manquait. Eugénie le lut avec les marques de la plus vive satisfaction. — Il y a de la sensibilité, de la chaleur dans votre écrit, Monsieur. — Et elle en mettait à le dire. — Il est impossible que le ministre ne se rende pas à vos raisons, et si j’étais à sa place vous n’éprouveriez certainement pas un refus.
Latremblaye rougit et ne sut que répondre. Il voulait exprimer combien le suffrage d’Eugénie avait de prix à ses yeux, et n’en put venir à bout. — Ce n’est pas tout, lui dit-elle ; il faut prêter à votre Mémoire un nouveau degré d’éloquence, il faut qu’il soit présenté par la personne même qui est censée l’avoir écrit ; le geste, la voix, le regard de la personne intéressée, ajouteront à l’impression qu’il doit produire. Ayez la complaisance d’obtenir un rendez-vous où l’inconnue puisse le remettre en main propre.
Après huit jours de soins et de démarches, Latremblaye entra un soir chez Eugénie d’un air triomphant : J’ai obtenu une entrevue pour demain, dit-il, avertissez votre amie : avec cet écrit toutes les portes lui seront ouvertes. — Combien ne vous dois-je pas de reconnaissance ? lui dit Eugénie. Vous aurez la satisfaction d’avoir arraché cette pauvre famille au désespoir ; mais ne l’abandonnez pus avant de l’avoir conduite au port. Une femme affaissée par la douleur, timide, se présenterait