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Je me rends à la Chaussée d’Antin ; je demande mon homme, il n’y était plus. Un chirurgien-accoucheur logeait sur le même pallier, et tout le jour, toute la nuit on se trompait de porte, et on venait sonner a la sienne pour avertir l’officier de santé. On m’indiqua le lieu de son nouveau domicile ; mais c’était fort loin de là : il était tard, je crus qu’il valait mieux renvoyer ma recherche au lendemain. Je rentre donc chez moi et j’y trouve… qui ! Minutieux en personne qui était venu, lui, sa valise et son domestique, s’y établir.

« Oh ! mon ami, commença-t-il à me dire, quelle abominable ville que ce Paris ! Je ne sais encore où poser ma tête ; il faut que vous me logiez pour ce soir. — Avec plaisir, lui dis-je, prenez mon lit. — Non, non, non ; je coucherai dans votre salle à manger, il ne me faut qu’un matelas. Mais pour l’amour de Dieu, logez-moi jusqu’à ce que je sois placé à ma fantaisie. Un maudit corps-de-garde me chasse de l’endroit où j’étais ! Qui vive ! Patrouille ! Caporal ! Je n’en puis plus. Demain je recommencerai mes recherches : je ne saurais manquer de trouver demain ce qu’il me faut. »

Il fallut bien en passer par où il voulait ; mais nous sommes au lendemain, c’est le soir, il n’a encore rien rencontré qui soit précisément ce qu’il désire : j’ai même grand peur que le temps qu’il voulait passer à Paris ne soit tout à fait écoulé avant qu’il ait trouvé à se loger, et en attendant, il est domicilié dans ma salle à manger, où il est fort mal et me gêne beaucoup ; tandis que s’il avait voulu supporter le petit désagrément de sa première habitation, il y serait accoutumé depuis longtemps, il aurait vu ses amis, terminé ses affaires, il serait tranquille, et moi aussi.

Boniface Véridick.


LE BILLET DES TUILERIES.

Pluviôse an viii (1806).

C’était vers la fin de l’été dernier, le matin d’un beau jour, tout près de ce charmant bosquet des Tuileries où Hippomène et Atalante courent si bien sans arriver jamais, que Linval trouva sous ses pas un billet décacheté ainsi conçu :

« On offre à la personne qui trouvera ce billet, l’occasion de faire une bonne action. Si elle y est disposée, on la prie de se rendre dans la rue de Saintonge, au Marais, no 1342, et de demander Eugénie de Mirande.

P. S. Si vous ne voulez point venir au secours d’une mère infortunée, n’empêchez pas une autre personne de le faire, et laissez le billet à la place où vous l’aurez trouvé. »