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ne suis pas d’humeur d’emporter de Paris une fièvre putride ou une petite vérole. Ailleurs la maison lui paraissait trop nouvelle pour que les plâtres fussent bien secs ; plus loin, c’était une raison contraire : la maison était étayée et lui paraissait peu sûre. Dans un autre endroit, le voisinage d’une fonderie de suif lui faisait craindre un incendie. Enfin cependant nous trouvâmes à peu près ce qui lui fallait ; un appartement élevé, bien tenu, donnant sur des jardins, et du voisinage le plus commode et le plus tranquille.

Les arrangements furent bientôt pris. Mon ami me dit avec un air de satisfaction : « J’ai ce qu’il me faut. Je vous remercie, mon cher, de tous vos soins. Venez dîner avec moi demain pour que je vous fasse de nouvelles excuses de toutes les peines que je vous ai données. » Nous nous séparâmes fort contents tous deux. Mais en retournant chez moi, il me survint une inquiétude. Minutieux, me disais-je, est en bon air, il n’y a point de basse-cour dans le voisinage ; je ne crains point pour lui les berceaux d’enfants ; mais il est près des gouttières : et nous n’avons pas songé aux chats. Le lendemain, lorsque j’allai dîner chez lui, ces chats me trottaient dans la cervelle. Je m’apprêtais déjà à passer ma soirée en quête d’un nouvel appartement, et je n’entrai chez mon ami qu’en tremblant. Jugez combien je fus agréablement surpris lorsqu’il vint à moi d’un air riant, et me dit qu’il avait enfin ce qui lui fallait ; qu’il ne pouvait rien désirer de mieux ; qu’il n’avait plus maintenant qu’à s’occuper de l’objet de son voyage, voir ses connaissances, écrire ses lettres, etc., etc. Je fus d’autant plus content de cette circonstance, qu’étant moi-même invité à passer plusieurs jours à la campagne, je pouvais dans l’intervalle être tranquille sur son compte et m’assurer qu’il était logé à son gré.

Je partis donc dès le lendemain de très-bon matin pour la campagne, d’où je ne suis revenu qu’hier. Je me suis empressé en arrivant d’aller savoir des nouvelles de Minutieux. Inutile soin ! mon oiseau était déniché. Je trouvai même son hôte très-irrité contre lui. « Il n’est pas, me disait-il, resté seulement trois jours chez moi. Et cela sous prétexte que mon fils apprend à jouer du violon, qu’il joue faux toute la journée ; que son maître de musique ne joue pas plus juste ; qu’il aimerait mieux être fouetté du matin au soir que d’habiter avec un apprenti joueur de violon ! que sais-je ? mille raisons de ce genre ! — Et où est-il allé loger ? — Au boulevard Mont-Parnasse. »

On me donna exactement son adresse, et je m’y rendis. Je trouvai une grosse maman et demandai à parler à M. Minutieux. « Ah bien oui ! me dit-elle, il court encore. — Comment ! il a déménagé ! — Dès le surlendemain de son arrivée, Monsieur ; nous avions une lessive à faire, il n’a pas pu supporter cet inconvénient passager. Il est allé demeurer ailleurs, — Et où ? — À la Chaussée d’Antin. »