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c’est, non pas d’avoir recueilli une série de préceptes, mais une série d’observations, d’où il est permis à chacun de tirer des règles de conduite. Je n’ai pas dit : Faites ceci ou ne faites pas cela, mais : Si vous agisses ainsi, apprenez ce qui adviendra. Pour rendre raison de l’enchaînement des causes avec leurs effets, je me suis fondé sur la nature des choses découverte par l’analyse et confirmée par l’expérience ; s’il m’est quelquefois arrivé d’y mêler des conseils sur la conduite à tenir dans ce qui touche aux intérêts temporels de la société, c’est une aberration ou plutôt une condescendance de ma part, car je ne m’étais engagé qu’à dire comment les choses sont et comment les faits se passent. J’ai quelquefois senti qu’une méthode purement scientifique avait trop de sécheresse, et qu’il fallait en certain cas mettre sur la voie des applications, des lecteurs que je suppose peu habitués encore à prendre pour guides les sciences morales et politiques.

J’aurais pu pousser ces applications beaucoup plus loin ; j’aurais pu montrer comment on peut en déduire des règles pour se conduire en politique aussi bien qu’en économie, et dans nos rapports privés aussi bien que dans nos rapports publics ; mais alors je serais entré dans des détails immenses, que je n’aurais pu justifier qu’en exposant, suivant la même méthode, ce que l’analyse peut nous apprendre sur la nature des choses et la succession des faits. Il aurait fallu faire une encyclopédie, et je n’en suis pas capable. J’aurais dû, par exemple, exposer l’agronomie et les résultats que confirme l’agriculture pratique ; la politique, c’est-à-dire la nature des choses politiques, et ce qui en provient ; la nature des choses morales, et quelles actions humaines en résultent, etc., etc., et une page entière d’etc.

Vous voudriez, mon digne ami, que je fisse entrer les motifs religieux au nombre de ceux qui influent sur les actions humaines ; et sans doute ils exercent une très-grande influence, quoique beaucoup moins grande qu’on ne le pense communément. Il me semble que les mobiles les plus ordinaires des actions humaines sont les usages, les habitudes du pays et les intérêts qui en résultent. La plupart des femmes tiennent une conduite régulière et digne de nos respects, par la considération des maux temporels qu’attirerait sur elles une conduite opposée, plus souvent que par des considérations prises dans leur salut éternel ; quoique certainement ces dernières considérations agissent sur un certain nombre d’entre elles. Je conviens encore qu’on trouve beaucoup de consolations dans des sentiments religieux, mais