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Il me semble que vous avez reçu de l’ouvrage de Mushet une impression que je ne saurais m’empêcher de trouver exagérée, de la reprise qui a eu lieu, chez nous, des paiements de la Banque en espèces, et de ses effets sur les baux et sur le prix des terres.

J.-B. SAY à son frère LOUIS SAY (DE NANTES)[1].
(Inédite)
21 avril 1822.
Mon cher Louis,


J’ai reçu tes Considérations sur l’industrie, et je te remercie de la belle dédicace qui précède cet ouvrage. Il faudrait que je fusse bien difficile pour n’être pas satisfait des expressions flatteuses qu’elle renferme.

Je te dirai peu de choses sur les controverses que tu as élevées, parce qu’il y aurait trop à dire. Seulement, par rapport à la principale, je te montrerai, ce qui t’étonnera peut-être, que tu es complètement d’accord avec moi.

J’ai dit et prouvé liv. 1, chap. 15, que même lorsqu’on paie les produits en argent, on ne les achète qu’avec d’autres produits ; en d’autres mots, qu’on échange la chose que l’on vend contre celle que l’on achète. On sacrifie une utilité pour en acquérir une autre. Et comme il n’est pas à supposer que les hommes donnent ce qui pour eux a plus d’utilité, pour acquérir ce qui en a moins, j’en ai conclu que l’utilité qu’ils consentent à recevoir en échange d’un produit, est la mesure de l’utilité qu’ils trouvent à ce produit.

De là le principe que la valeur échangeable qu’ont les choses (ou leur prix quand la monnaie est l’intermédiaire de l’échange) est la mesure de leur utilité.

Il est évident, en effet, que lorsque je vends 10 hectolitres de froment 200 fr., afin d’acheter une montre de 200 fr., je regarde l’utilité de la montre comme égale à l’inconvénient d’être privé des 10 hectolitres de

  1. Louis Say (de Nantes), manufacturier distingué, a publié quelques écrits, dans lesquels, malgré sa prétendue communauté de doctrines, il attaque certaines parties des ouvrages de son frère. J.-B. Say en avait éprouvé une assez vive contrariété ; mais il faut dire à la louange de l’un et de l’autre, que ces légers dissentiments scientifiques n’ont point altéré leurs sentiments d’amitié, non plus que leurs bons rapports de famille.
    (Note des Éditeurs.)