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rapport entre la demande et l’offre, et l’expression des frais de production.

J’avoue que je n’ai pu comprendre ce que l’auteur a voulu dire dans son dernier alinéa. Il n’y a nul besoin de stipuler le prix des choses qui se prêtent, et nul débat à ce sujet ne peut s’établir entre le prêteur et l’emprunteur. Il faut que l’on rende la chose prêtée, et non qu’on la paie. Je me fais d’autant moins de scrupule de faire remarquer cette obscurité, que, dans l’estimable ouvrage de M. Storch, ce défaut est fort rare. Il est même étonnant qu’un auteur manie avec autant de facilité une langue qui n’est pas la sienne.

De la mesure des valeurs[1]. — La vraie mesure d’une valeur est la quantité de chacune des choses que l’on consent généralement à donner pour l’obtenir. La mesure de la valeur d’un habit est indifféremment, ou cinq hectolitres de blé, ou vingt-cinq livres de bougie, ou vingt pièces de cinq francs, si l’on donne l’une ou l’autre de ces choses pour l’acheter. Sous ce rapport, le travail est une aussi bonne mesure des valeurs que toute autre chose ; car, dans l’exemple proposé, l’habit peut acheter cinquante journées de travail, si, le vendant cent francs, on acquiert par cet habit le moyen d’acheter cinquante journées de travail de deux francs chacune : le tort de Smith n’est pas là : il consiste à avoir voulu faire du travail la mesure invariable des valeurs ; à avoir dit, par exemple, que dans quelque pays et à quelqu’époque que le produit de dix journées de travail ait été exécuté, ce produit valait autant que tout autre produit qui coûte aujourd’hui dix journées de travail. Or, cette proposition n’est pas soutenable. Outre que la valeur de dix journées de travail diffère beaucoup de la valeur de dix autres journées d’un travail d’une qualité fort supérieure, ou fort inférieure, la seule circonstance du besoin, comme l’observe fort bien M. Storch, change considérablement la valeur du travail et par conséquent du produit auquel il est appliqué.

À vrai dire, il n’y a point de mesure également applicable à deux objets séparés par les temps et par les lieux, parce qu’il n’est aucun objet qui ne change considérablement de valeur en passant d’un lieu, ou d’un temps dans un autre.

Quant à la mesure de la valeur de deux objets qui sont en présence, leurs deux valeurs se mesurent l’une par l’autre ; si l’on a dix livres de

  1. Storch, t. I, p. 124.