Page:Say - Œuvres diverses.djvu/308

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CE QUE C’EST QU’UNE NATION ÉCLAIRÉE[1].


(Inédit).

Bien des questions semblent difficiles à résoudre qui ne le sont réellement pas lorsqu’on veut les juger d’après la seule règle que la raison puisse admettre : la nature des choses. D’autres questions paraissent fort simples, et cependant deviennent compliquées lorsqu’on veut des choses et non des mots pour réponse. Telle est celle qui se montre au titre de ce chapitre.

On a souvent parlé de l’enfance, de l’âge mûr et de la vieillesse des nations.-c’est comparer les nations : l’homme individuel ; c’est juger d’une chose (de la société) selon les règles que la nature a établies pour une autre chose (l’homme privé) ; c’est juger par analogie. Mais pour n’être pas égaré par l’analogie, il faut qu’elle soit complète. Une analogie vague fondée sur un aperçu léger n’est qu’une lueur qui égare ceux qui s’y laissent conduire. Les fausses similitudes ont trompe aussi souvent que les mauvais raisonnements, et peut-être que les mauvais raisonnements ne sont que de fausses similitudes.

Est-ce par la faiblesse qu’une nation jeune ressemble à un enfant ? Voyez la Suisse qui dès ses premiers pas résiste à l’Autriche au faîte de sa puissance ; voyez les gueux de la Hollande braver le roi d’Espagne et des Indes.

Est-ce par l’innocence des mœurs et la simplicité des arts ? Mais les colonies qui sont des États jeunes emportent communément les vices et les arts de la métropole, bien différentes des enfants de l’homme le

  1. J. B. Say avait le projet de consacrer à la morale et à la politique des traités analogues a ceux que lui doit la science économique. Il avait réuni, dans ce but, de nombreux matériaux, tracé divers plans de ces ouvrages, et jeté même sur le papier le sommaire d’une partie des chapitres qu’il destinait à entrer dans leur composition. L’écrit ci-dessus est un de ces chapitres qu’un hasard heureux nous a légué complet. Voyez, sur le même sujet, la fin du chapitre premier de la quatrième partie de son Tours complet, et quelques-unes des pensées.du Petit volume.
    (Note des éditeurs.)