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Si la population et le prix du blé augmentent encore, on pourra trouver du profit à cultiver les terres de troisième qualité, c’est-à-dire celles qui ne rapportent que 80 boisseaux. Alors les propriétaires des terres No 2 pourront en tirer un fermage de 10 boisseaux, et les propriétaires des terres No 1 obtiendront des leurs 20 boisseaux de loyer ; puisqu’après avoir payé ces vingt boisseaux, il en restera 80 au fermier de même qu’au cultivateur qui aura mis en rapport les terres No 3, sans payer aucun fermage. On peut ainsi continuer la supposition jusqu’à ce qu’elle représente la situation réelle du pays où l’on se trouve.

Quelle conséquence Ricardo et son école tirent-ils de là ? C’est que le prix du blé n’est jamais déterminé par le taux du fermage, mais bien par les frais de culture, de main-d’œuvre, que, dans ce système, réclament les plus mauvaises terres en culture, celles qui ne donnent point de profit foncier. D’où ils concluent que le travail seul contribue à la production : que le profit foncier n’est que le résultat d’un monopole, et qu’il n’a d’autre effet que de faire payer au consommateur une portion de valeur qui ne fait pas partie du prix nécessaire des choses.

On peut répondre à cette doctrine que je suis forcé de comprimer pour qu’elle puisse être contenue dans les bornes d’un article, que, du moment que la richesse d’un pays consiste dans la valeur échangeable des choses qu’il possède, la production annuelle consiste dans la valeur échangeable des produits annuels, quels que soient les moyens de production employés. Il est permis d’attribuer avec Adam Smith la valeur territoriale produite, à la quantité de produits territoriaux que le public demande, comparativement à la quantité qu’on peut en créer. Qu’es-ce qui fait naître et soutient cette demande ? D’une part, l’utilité de ces produits, telle qu’elle résulte de l’état où se trouve la société ; et d’une autre part, la quantité de tout autre produit que l’on peut créer et donner en échange des premiers. Si la société produit beaucoup, elle offre, pour avoir un boisseau de blé, plus de valeurs que n’en exige le remboursement des avances du cultivateur. De là cet excédant de valeur qui, dans une société populeuse et productive, donne naissance au fermage.

C’est l’effet d’un monopole, ajoute-t-on : un monopole n’occasionne point une création ; il n’occasionne qu’un déplacement de richesses[1].

  1. Voyez Buchanan : Commentaires sur la Richesse des nations.