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Mais du moment qu’on acquiert la conviction qu’un État peut grandir et prospérer, sans que ce soit aux dépens d’un autre, et que ses moyens d’existence et de prospérité peuvent être créés de toutes pièces, du moment que l’on connait comment il faut s’y prendre pour obtenir cette création, alors les sentiments haineux cessent, on désire, plutôt qu’on ne redoute, la prospérité d’une nation étrangère ; les nations savent qu’il y a des moyens d’existence plus sûrs, plus féconds que ceux qu’elles ont hérités des siècles d’ignorance, et chacun des individus dont elles sont composées recueille une part plus large d’aisance, de paix et de bonheur.

C’est, Messieurs, ce qu’on peut attendre d’une connaissance plus répandue de l’économie des nations[1]. Au lieu de fonder la prospérité publique sur des systèmes hypothétiques, ou sur une impulsion demandée aux gouvernements, quels qu’ils soient, on la cherchera dans l’intérêt bien compris des nations elles-mêmes. Ce ne sont pas les hommes chargés de les gouverner qui les nourrissent, ce sont les hommes dont elles se composent. C’est là qu’est la pensée, c’est là qu’est l’action qui fait subsister la société. C’est un emblème trompeur que celui qui représente la société comme une famille dont le chef est le père. Ces deux choses sont essentiellement différentes. Dans la famille, c’est du père que viennent tous les moyens de subsistance ; c’est dans sa tête que germent toutes les conceptions utiles ; c’est lui qui procure les capitaux nécessaires pour entreprendre l’ouvrage ; c’est lui qui met la main à l’œuvre et qui dirige le travail de ses enfants ; c’est lui qui pourvoit à leur éducation et à leur établissement.

Dans l’état social, c’est tout le contraire. Les conceptions sur lesquelles se fondent l’entretien du corps social, l’exécution des entreprises, les capitaux qui les fécondent, l’activité qui les fait réussir, sont le partage des gouvernés. C’est là que l’on étudie les lois de la nature, bases de tous les travaux humains, que l’on pratique les arts qui nous font vivre, et d’où naissent les revenus de tous les membres d’une nation, depuis les plus humbles jusqu’aux plus éminents. C’est la nature qui a créé la supériorité du père sur les enfants ; c’est elle qui a voulu qu’il fût pendant leur enfance le plus fort, ensuite le plus expérimenté.

  1. L’observation faite plus haut en note de la p. 165 est applicable aux derniers paragraphes de ce discours. (E. D.)