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ties ont entre elles une concordance qui prouve leur solidité dans les moindres, comme dans les plus grands exemples. On sait que ce fut la chute d’une pomme qui révéla au grand Newton la foi parfaitement semblable qui fait graviter la terre vers le soleil ; l’on peut dire que ce sont les recettes et les dépenses du ménage qui nous montrent ce que c’est que les richesses de l’État, et si je ne craignais d’employer une expression trop triviale, je dirais presque que l’économie politique pratique n’est autre chose que la science du pot au feu.

Mais il faut savoir en tirer toutes les conséquences ; c’est alors seulement que l’on voit qu’elles conduisent directement au bien public.

Le bien public ! Quelle étude est plus propre à satisfaire les plus nobles ambitions ? C’est la seule qui mène aux succès durables, à ceux qui, dans tous les cas, sont exempts de regrets. Loin des orages de la politique et des luttes du pouvoir, tel est le but qui nous occupera exclusivement.


Il est à regretter qu’il n’y ait point de chaire d’économie politique organisée à l’École de Droit[1]. On conçoit difficilement cet oubli dans un établissement qu’on a voulu rendre complet. Nous vivons sous un gouvernement représentatif ; chacun peut être appelé à s’asseoir sur les bancs des législateurs, à proposer ou à juger les mesures qui conviennent à un grand peuple, Il ne suffit pas que la jeunesse studieuse connaisse les lois existantes, il faut qu’elle apprenne à en faire de bonnes : il faut qu’elle sache quelles sont les solides bases qu’on peut leur donner, les conséquences bonnes ou mauvaises qui peuvent résulter de chacune de leurs dispositions. Quelle pauvre garantie du bien public aurait une nation, si, parmi tous les corps qui sont chargés de rédiger et d’exécuter ses lois, elle ne pouvait compter que vingt ou trente personnes qui fussent en état d’en calculer la portée ! Ce serait amoindrir l’étude du droit, que de la borner à nous apprendre quelle a été la volonté du législateur, surtout à des époques éloignées, où elle ne peut être obligatoire pour nous. À une époque de lumières, le législateur ne peut raisonnablement vouloir que le plus grand bien du plus grand nombre. Mais en quoi ce bien consiste-t-il ? Quels sont les meilleurs

  1. Il n’en existait même pas, en 1818, au Conservatoire des Arts et Métiers. Voyez dans la Correspondance la lettre de J.-B. Say à M. Thénard sur l’utilité de cette création dans toutes les écoles Industrielles. (E. D.)