Pour peu qu’on y réfléchisse, il est évident en effet que chacun est principalement occupé de son affaire : or, l’affaire de chacun est ce qui le fait vivre ainsi que sa famille ; à moins qu’il ne soit directement menacé, c’est pour lui l’essentiel. Tout le reste l’intéresse dans le rapport qu’il a avec cette occupation dominante ; tout le reste est accessoire et passager ; et si un petit nombre d’individus a des intentions sinistres, cette faible portion de la société est dominée par le très-grand nombre qui sent perpétuellement qu’il ne peut espérer une existence tolérable, une vie exempte d’inquiétudes et de dangers, qu’en exerçant tranquillement sa profession, et en vivant en paix avec ses concitoyens.
Voilà ce qui fait le lien de la société. Toutes les autres situations sont des états de maladie, des situations nécessairement passagères ; car si elles étaient durables, le corps social cesserait d’exister.
Son économie ressemble à celle du corps humain. Celui-ci est composé de différents organes, de différentes parties, organisées elles-mêmes, qui remplissent diverses fonctions dont le jeu, dont l’activité, constitue la vie de l’individu. Il a les organes de la nutrition, du mouvement, de la reproduction ; nous avons des sens, nous recevons des impressions, nous manifestons des désirs comme particuliers, mais en même temps nous existons comme membres du corps social, comme faisant partie d’un grand tout qui est l’espèce humaine, ou, si vous voulez le circonscrire, comme partie de la société, de la nation à laquelle nous appartenons, nous souffrons de ses maux, nous jouissons de ses prospérités. Or, comme l’a dit un de nos savants physiologistes : Il importe à tout être qui pense, de savoir comment s’accomplissent ses mouvements, ses actions, de savoir par quel artifice il vit et marche du berceau à la mort. Et si le corps social est un être vivant comme le corps humain, si les nations ont des besoins qui dépendent de leur nature, si elles ont des moyens d’y pourvoir qui leur sont propres, nous ne sommes pas moins intéressés (tout intérêt de curiosité à part) à connaître la nature de leurs organes, le mécanisme qui leur donne la vie, qui l’entretient, qui la compromet.
Il est évident que s’il existe des moyens de remédier aux souffrances du corps social, d’assurer sa santé et son bien-être, on les trouvera d’autant plus aisément, on les emploiera d’autant plus à propos, que l’on connaîtra mieux la nature et le jeu de ses organes.
Eh bien ! Messieurs, ce que la physiologie est pour le corps humain,