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tragedie.

Si pour des coups ſi grands, tu te ſens trop timide,
Rends-moy l’Aſſaßinat, rends-moy le Parricide,
Et pour me rendre un crime encor plus deſplaiſant,
Traiſtre, rends-moy l’amour dont ie t’ay fait preſent ?

Seianus

Comment agir, Madame, avec une Princeſſe,
Dont il faut meſnager l’eſprit avec adreſſe ?
À qui tous nos deſſeins paroiſtroient furieux,
Sans le bandeau d’Amour qui luy couvre les yeux.
Helas ! ſi dans mon ſein vous voyez la contrainte,
Dont deſchire mon cœur, cette cruelle feinte ;
Quand la haine me force à trahir l’amitié,
Peut-eſtre en cet eſtat vous ferois-ie pitié :
Les larmes dont ie feins vouloir prendre ſon ame,
Luy montrent ma douleur bien pluſtoſt que ma flame.

Livilla

Ô Dieux ! qu’on a de peine à prononcer l’arreſt
Quand on veut condamner un ennemy qui plaiſt ?
Ie t’abhorre, ie t’ayme, & ma raiſon confuſe.
Comme un Iuge irrité ſoy-meſme ſe recuſe,
Ton crime parle en vain, ie n’oſe l’eſcouter,
I’ay peur qu’il ne me force à n’en pouvoir douter :
Quoy que ſenſiblement ta trahiſon m’offenſe,
Ie me la cache afin d’arreſter ma vengeance,