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tragedie.


Cornelie

Si leur ame en ſuſpens ſemble encor heſiter,
Vous ſçaurez par ces mots leur courage exciter ;
Quoy vous, mes compagnons, dont l’ardente colere
Fit trembler autrefois le Thrône de Tibere,
Qui diſpenſiez la vie & la mort aux humains,
Qui portiez des combats la Fortune en vos mains :
Qui vouliez au Tyran arracher la Couronne
Pour des crimes legers dont le couvroit ſon Thrône,
Vous ſemblez l’adorer deſſus ſon Thrône aßis,
Quand il eſt devenu le bourreau de ſes fils ?
Où s’en eſt donc allé cette noble furie,
Et ce feu qui veilloit au bien de la Patrie ?
Le Ciel d’un coup de foudre eſpargneroit vos mains,
S’il oſoit uſurper la charge des Romains ;
Marchez donc ſans trembler ſur les pas d’une femme,
Eſpuiſez d’un Vieillard ce qui luy reſte d’ame,
Que ſi d’un eſprit foible en cet illuſtre employ,
Vous craignez le peril, ne frappez qu’apres moy.
Ce diſcours achevé, du haut de leur Tribune,
Avec un front égal attendez la fortune.

Agrippine, à Sejanus.

Mais ſans que de l’Eſtat nous déchirions le flanc,
Que le ſang de Tibere eſpargne tant de ſang,