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Elle allait à Ty Huella, chez Louise et Sidonie Postoun, Ty Huella, un village abandonné où les murs de cinq maisons en ruines pointaient vers le ciel sans lune l’arête de leurs pignons. Les hautes herbes avaient envahi cet espace et c’était, encastrée dans ces décombres, adossée à un amas chaotique de rochers, que s’élevait la chaumière des sœurs Postoun.

Plusieurs voisines, assises en cercle dans la pièce, étaient déjà au travail quand elle entra : deux veuves, grasses et noires comme des corbeaux et une vertueuse commère en cazeken, parente des sœurs Postoun. La bonne femme tricotait en silence et semblait offusquée de voir à ses côtés Jeanne Poulbrac, trop belle et notoirement débauchée avec le scandale de sa chevelure fauve qui lui tombait au milieu du dos, et qui était venue ce soir chez les Postoun, sans doute parce qu’on l’attendait ailleurs, et parce qu’il avait plu à sa nature indomptée de mentir à un engagement d’amour, simplement pour le plaisir de passer une nuit édifiante, selon les traditions anciennes. — Il y avait encore là un groupe de jeunes filles de Pen ar lan, enfin, Louise et Sidonie Postoun, timides et effacées l’une et l’autre, empreintes d’une mélancolie tranquille qui les faisait chérir de toutes.