Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/77

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur le bord et s’enfonça dans la fuite éperdue des hommes du pont et des mécaniciens qui s’élancèrent hors des salles de chauffe sans même éteindre la machine.

L’eau s’engouffra dans les panneaux des cales, la Marimba se retourna, la quille en l’air, et puis, elle s’enfonça par l’avant et piqua droit. Lorsque l’étrave toucha le fond, l’arrière du steamer remonta quelque peu à la surface pour disparaître à nouveau.

Et Barba, qui avait fait à Herment le récit de ce naufrage, ajoutait :

— On m’a dit que peu de mois avant, la Marimba avait été abordée et coupée en deux.

« Nous étions plus de cinq cents qui assistâmes à sa perte. On pouvait voir sur le pont du bateau deux loups blancs qui ne furent pas sauvés. Les enfants du capitaine étaient tout habillés de rouge ; lui était tout jeune, très bel homme, mais sa femme était laide et vieille. C’était à elle qu’appartenait le bateau, et elle riait en le voyant couler, elle riait tellement que c’en était honteux. Elle disait qu’ainsi son mari ne naviguerait plus… Elle est partie le même jour pour Brest. Et, le croirais-tu ? elle était si jalouse, cette tourc’h, qu’elle n’a pas même voulu qu’il reste vingt-quatre heures de plus à Ouessant.