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Deux Ouessantines passaient, longues et noires sous la sévérité de leur châle de velours, farouches comme des oiseaux solitaires de l’Océan.

Elles allaient vers la porte du Conquet avec beaucoup d’indifférence pour la ville. Il y avait quelque chose de choquant, comme une impudeur, dans ces chevelures de femmes, leur intimité, tout entières étalées sur le dos ; leur démarche, pareille à celle des créoles, était pleine d’indolence, leurs traits superbes ; et l’on s’étonnait de rencontrer partout à leur égard un mélange complexe d’admiration, de mépris et d’atavique hostilité.

Plus tard, nous connûmes qu’aux yeux de quelques-uns, l’apparition de leur costume de deuil est tenue depuis des siècles pour un présage de malheur.

Une personne interrogée nous dit encore :

— Quand on voit des Ouessantines, c’est signe de pluie. « Elles l’apportent. »

Sotte antipathie, et bien peu justifiée, en contradiction avec la bienveillance et la douceur des naturelles.

À d’autres titres, elles savent retenir l’intérêt. Des marins ont dépeint l’île comme une sorte de Tahiti européenne. Et à vrai dire, l’étranger fut de tout temps reçu avec honneur