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jeux de l’enfance, Barba ne répondit plus à son affection : lui, ne se lassa jamais. Dès qu’il fut rentré, il erra aux alentours de Nérodynn.

Au dire de certaines âmes superstitieuses, son apparition, au beau milieu de la veillée funèbre, était à considérer comme un miracle. Le curé le cita en exemple. On chercha Fanch pour le féliciter, mais il sut échapper aux ovations. Et, triste, vindicatif, l’oreille basse dans son malheureux amour, il rôdait à travers l’île, suivant Barba à la piste, comme un chien.

Barba, seule, ne s’étonnait pas. Car elle évoluait naturellement au milieu de l’extraordinaire et de la fable qu’elle savait rencontrer partout. L’île entière dramatisée, tout son passé légendaire étaient dans son cœur. Elle jurait qu’elle pouvait prévoir la mort. Elle exagérait. Quelques jours avant un naufrage, le bruit courut qu’elle avait entendu la nuit, près de Kérer, ce cri sinistre, attribué parfois à un mystérieux oiseau marin, parfois à des esprits, ce cri inexpliqué qui fait, depuis des siècles, trembler les Bretons, ceux du Finistère comme ceux de la Cornouailles, des rocs du Land’s End à Falmouth, et qui annonce un mauvais coup du sort.

Elle était à la fois naïve et roublarde, mais elle ignorait sa naïveté comme sa roublardise.