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cier et que l’étrangeté de sa nature emplissait de gaucherie.

Une fois seulement, elle dit sa pensée à un homme qui pouvait la comprendre. Mais tous deux sentirent qu’il était trop tard.

Salomé Thorinn avait alors vingt-six ans. Elle était de haute taille, ce qui la faisait paraître fort mince, mais son corps était sans maigreur et bien pris, sa force physique étonnante. Elle avait le visage d’un ovale très allongé qui mettait en valeur la finesse de ses traits. Sa peau, bien qu’elle ignorât la poudre, avait cette blanche matité que les plus savants artifices sont souvent impuissants à donner ; ses lèvres paraissaient carminées et l’on eût juré, bien à tort, que ses yeux bleus aux paupières lourdes étaient agrandis au kohl. En elle, on rencontrait à la fois quelque chose de naturel et de factice dont le mélange déroutait. La masse ardente de ses cheveux, qu’une raie de milieu divisait, ne contribuait pas médiocrement à cet effet. On eût dit une fille de débauche que la fantaisie d’un soir aurait costumée en madone. Parfois, quand on la surprenait pensive, on voyait à la sévérité de ses traits qu’elle était faite pour une vie régulière et digne et que l’anomalie de sa condition mari-