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tère d’huissier, à regagner Nantes. Et, comme elle s’y refusait, surprise de ce rappel après tant d’années d’absence, il introduisit contre elle une instance en divorce, qu’il obtint à son profit.

Il faut connaître l’insouciance des îliennes et leur mépris de tout ce qui est « continent » pour comprendre que Marie ne résista pas. Mintier fit, en outre, établir que sa femme avait une mauvaise conduite, qu’elle était incapable d’élever ses enfants, et il s’en vit attribuer la garde.

Elle s’était donc vu arracher son fils qui, déjà, s’exerçait à manier l’aviron, prêt à devenir mousse, et plus tard un véritable homme de mer, comme les Ouessantins ; et son Annie, qu’on lui enleva dans l’année où la mignonne avait fait sa première communion. Et quand les traits de la chère petite se furent effacés dans le lointain, sur le pont du courrier où l’enfant avait pris place, Marie comprit qu’Annie était à jamais perdue pour elle... Elle allait quitter son beau châle et sa coiffe et devenir une vulgaire mouliguen à chapeau.

Seule, désormais, Marie retourna à ses occupations journalières. Mais à Ouessant, la vie est si facile, les besoins sont si limités qu’on ne connaît pas cette joie d’amasser, cet âpre