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sa maison de Loqueltas, elle s’y sentait bien seule, dans le délabrement où son indifférence laissait tout.

Il y avait au-dessus de la cheminée des photographies pâles et décolorées, des couronnes sous des globes, des objets de piété et des souvenirs de ses enfants et de son mari. Mais ces reliques étaient froides désormais. Et, morne, elle s’asseyait près de la fenêtre, d’où son œil s’égarait sur la baie de Lan Pol, par où étaient arrivées et parties toutes ses joies.

À vingt ans, elle s’était mariée avec le maître d’équipage d’un grand voilier nantais qui s’était jeté, une nuit d’hiver, sur les rochers Men Gren. Après que le bateau se fut mis au plein, les hommes s’étaient réfugiés dans deux chaloupes. L’une d’elles coula devant Pen ar Roc’h et tout ce qui la montait périt. L’autre, trompée par le brouillard, se laissa emporter par le Fromveur et se trouva au matin sur la côte de Portsall où elle aborda. Le capitaine et Mintier étaient seuls restés à bord.

Le bateau avait fait une forte voie d’eau. Cependant, il reposait sur un fond de roche et comme la lame avait faibli, il pouvait encore résister quelque temps. Les deux hommes attendirent des secours et à l’aube, en effet,