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qu’on voulût bien la ramener à terre. Mais on ne l’écoutait plus. Alors elle se débattit rageusement. Ils se mirent à deux contre elle.

— Elle n’a pas assez bu, déclarèrent-ils. Et ils burent davantage. Mais, bien que ce sacrifice fût héroïque, Juliana vidait son verre sur les tapis du salon, au fur et à mesure qu’on le remplissait. Enfin, elle avala à grands traits une coupe pleine — elle se devait bien ça — et, profitant d’un instant de répit, elle s’échappa sur le pont.

Les hommes de l’équipage occupaient leur poste à l’avant. L’obscurité était si grande que l’on n’apercevait point la côte de Gwalgrac’h.

Juliana gagna l’arrière. Un canot y était amarré. Hardiment, elle enjamba le bastingage et se laissa couler sur la préceinte. Alors elle paumoya le bout qui retenait le canot, et lorsque son avant toucha le yacht, elle s’élança vers la frêle embarcation. Mais, dans sa hâte, son élan mal calculé la précipita à la mer. On entendit un clapotis, le bruit de l’eau battue. Pourtant, avant qu’on ait pu mettre une chaloupe à la mer, elle s’était hissée ruisselante dans le canot, elle avait détaché l’amarre, pris les rames, et déjà, elle s’éloignait dans les remous violents du courant.