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têtue de leurs feux, la masse de leurs pierres et la clameur de leur trompe.

Par moments, la pluie tombait sans discontinuité, transformant Ouessant en bourbiers, des plaines entières en lacs immenses dans lesquels se miraient les petits moulins dont les ailes tournaient, inlassables.

Soley s’était fait chagrin à l’image du temps.

Il aurait voulu l’île telle qu’elle était autrefois, à ces époques si souvent évoquées et que les vieux avaient connues. Rêve irréalisable. La majorité des habitants applaudissaient aujourd’hui à toute nouveauté. C’était attristant et inéluctable. Seul, un sûr instinct du beau détournait encore les femmes de renoncer à leur costume.

Les meilleurs gardiens des traditions étaient représentés par les ecclésiastiques de la cure. Mais ils voyaient seulement dans leur immobilité une formule de réaction. Ils n’étaient pas, eux-mêmes, à l’abri des critiques, révoltants d’ostracisme, servant jusque dans le temple la politique de l’opulent marchand contre le pêcheur exploité, protégeant les cabaretiers, la plupart, empoisonneurs bien pensants, abaissant enfin la grandeur possible de leur apostolat à la poursuite de querelles mesquines.