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tout le monde les connaissait et parce que chacun y avait été plus ou moins compromis. Mais ce soir même, en buvant ce vin, plus d’un espérait que la fête recommencerait un jour et l’on bénissait ces saladiers brûlants d’où s’exhalait un violent arôme qui, peu à peu, échauffait les têtes.

Juliana, si calme d’habitude, était la plus excitée. Elle riait maintenant aux éclats, sans motif. Puis, en défi aux objurgations de Soley, qui apprit alors qu’elle était passée dans la soirée chez Mme Naour où les boissons sont généreusement servies, elle se mit à avaler coup sur coup des pleins verres de rhum, tandis que, pour témoigner sa joie, elle dansait, bousculant tout sur son passage, les tables et les consommateurs, et poussait des cris rauques.

Soley, dans l’animation grandissante, eut le tort de vouloir la calmer. La fièvre gagnait les convives : amusés, ils taquinaient Julia. Pour affirmer sa vigueur, elle prétendit enfin lutter avec Marzin, et, déjà, homme et femme s’étaient enlacés. Un instant, Soley se sentit isolé au milieu de ces indigènes parlant une langue inconnue et qui, peut-être, le tournaient en ridicule. Une colère le prit contre cette fille indomptée qu’il n’aurait su battre. À lui