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leurs travaux, leurs maisons, hommes et femmes oublieux des vaines contraintes, buvant encore le soir, à la lueur des torches, tant qu’ils pouvaient, buvant jusqu’à l’aube où toute l’île s’endormait enfin sur les plages, dans une vaste fraternité.

Le syndic avait été impuissant à retenir les pillards. La gendarmerie mit trois jours à venir. Elle battit en retraite devant l’attitude des îliens et l’on dut réquisitionner la troupe. Les soldats, baïonnette au canon, devaient empêcher l’accès des plages. Mais la nuit, les femmes se glissaient à travers le cordon des troupes, les militaires fermaient les yeux, et comme la mer apportait toujours son tribut, ils passaient aux séductrices des savons, des étoffes, des verroteries.

Même spectacle sur la côte. On citait à Plouguerneau telle famille qui resta pendant un mois plongée dans l’ivresse, ne se soutenant que de boisson. Un enfant y mourut de faim. Un mois durant, aussi, Ouessant fut noyée sous ce vin noir et fort. Marzin pouvait montrer le costume de treillis blanc qu’il portait alors et qui, teint de rouge, ne put jamais, malgré des lavages répétés, redevenir blanc.

On n’évoquait pas ces histoires, parce que