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à Loqueltas, et sur l’autre versant, les plages du Corce et du Cajou et toutes les criques, jusqu’à Porz Goret, en furent remplies. Le Vesper, venait de se crever sur la pointe de Pern.

Et cette aubaine ne s’était pas arrêtée là : la côte Nord-Ouest, Niou-i-zella, Yusinn et Gwalgrac’h, Cadoran, et le Stiff, Porz Ligodou et Pen ar lan avaient eu leur part de ces épaves ruisselantes, entraînées par le Fromveur très généreux, tandis que d’autres voguaient jusqu’à la grande terre, du Conquet à Portsall, où elles étaient accueillies avec des cris de joie.

Alors, ce fut une orgie somptueuse. Des plus lointains villages, on venait à la grève pour emplir de ce vin tout ce qui tombait sous la main, les brocs, les ribauds pour faire le beurre, les seaux, les bidons et les marmites : on en versa jusque dans les citernes vides. Sur place, les énormes fûts étaient défoncés à coups de sabot, parmi les rocs glissants de goémon ; des fleuves sanguinolents couraient sur les sables d’or, regagnant la mer. Les buveurs, la bouche épaisse, dansaient autour des tonneaux ; d’autres, après s’être rassasiés, se dégorgeaient pour avaler encore, abandonnant