Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cadre et ses à-côtés ont flatté vos regards. Ne dites pas non, vous y êtes sensible : j’en ai connu plusieurs comme vous, tous amateurs de pittoresque, attirés par la splendeur des lieux, retenus par la nouveauté d’une liaison qui les sortait de leurs habitudes, et qui pensaient s’être transformés en mettant le pied dans l’île... Écartez ça... N’oubliez-pas (et il songeait sans doute à son propre ménage), qu’à la longue votre caractère affiné se révoltera contre tant de rudesse. C’est un sophisme que de vouloir oublier son éducation pour vivre selon la nature.

« Et puis, vous êtes venu trop tard pour l’idylle, dans un pays perdu. Les temps sont révolus, mon cher, de l’âge d’or de l’Ouessant d’autrefois... ouvrez les yeux : déjà des plaies nouvelles, et quelles plaies !... s’étendent sur l’ancienne terre sainte de la piraterie.

« Quelque jour, chez cet objet qui vous paraît si aimable, la bête ardente reprendra le dessus, dans une frasque énorme. Vous serez brusquement poussé dehors, par dégoût ou par force, comme Lieutard, comme Armalin, comme tant d’autres, maris aimants et appréciés, jusqu’au moment où leurs femmes les chassèrent de leurs foyers, parmi la déconsidération générale,