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— J’ai reçu, dit-elle enfin, une invitation à dîner pour demain, jour de courrier, chez Paulette.

Paulette Locronan — Paulette tout court, comme on l’appelait — avait fait fortune aux pays chauds. Cocotte vieillie, qu’une prédilection bizarre avait amenée dans l’île, elle s’y était fait construire une maison. Elle y aurait donné, si elle avait été encore assez jeune, l’exemple fâcheux de l’exploitation tarifée de ses charmes. Mais l’endroit était bien mal choisi. D’abord négligée de tous, elle s’attira, enfin, par le luxe de sa table, les grâces des plus jolies îliennes ; des invités mâles, et qui payaient, formèrent le clou de ces fêtes intimes. Quand des étrangers ou des officiers voulaient s’amuser — vite — Paulette était leur providence.

— Demain soir, répéta lentement Juliana. Mais.. je n’y irai pas.

Soley ne broncha point. Fermant à demi les yeux, il l’observait.

Comment ! Oser décliner cette invite flatteuse ! pensait-il, diverti. Car Paulette, méprisée d’abord, étonnait maintenant. Elle était habillée en dame et portait de lourds bracelets. Être reçu chez elle constituait une distinction. Et