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dans l’île, on y a complètement renoncé aujourd’hui pour reprendre la faucille.

Quand les épis ont jonché les sillons, les voitures chargées de récolte courent à travers le pays. Tous les sentiers, les haies vives en bordure des chemins se dorent de paille et dans les cours, les meules s’élèvent lentement. Car la contrée, dès lors, a retenti d’un bruit scandé et que le vent promène, adouci, monotone, irritant, le bruit des petits fléaux, qui semble tantôt s’éteindre et tantôt s’éloigner pour revenir encore, comme le pas sautillant, inlassable d’un marcheur fantastique qui résonnerait très loin, très près, à droite, à gauche, sur les routes ou dans les grèves ou dans les nuées.

Il est des cours où, sur le sol en terre bien unie, cinq à six femmes, la gorge libre sous un châle d’été entrouvert, les bras nus dans les chemises lâches, battent le blé ; et d’autres où une îlienne est seule à travailler, s’aidant quand même du rythme des fléaux environnants.

Ç’avait été le cas de Juliana qui, déjà, avait fini son labeur. Elle s’en réjouissait, car à ces moments de grosse fatigue succède une période de loisirs qui va se prolongeant jusque vers le milieu de l’automne, et dont elle profitait en tricotant aux côtés de Soley, en silence.