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Alors, quand un éclair de raison l’avertit, elle supplia Soley — l’homme naïf — de pardonner ses torts et d’oublier — le supplia avec des larmes et la voix décomposée. Mais il était trop tard. Il pensait qu’on ne doit pas revenir sur le passé.

Une fois de plus, Soley avait enfoui sa lettre dans sa poche, sans même la parcourir jusqu’au bout. Et maintenant, avec un pli douloureux sur les lèvres, il se réjouissait d’être sans haine et superbement détaché — il le croyait !... Qu’importait aux vagues majestueuses qui battaient à ses pieds les rochers impassibles ?... Que lui importait, à lui ? Car il s’était sauvé vers la fougueuse indépendance qu’il avait jusque-là connue, avant le jour honni de son mariage, au long de sa vie simple de marin...

Et il se félicitait d’être venu si loin, loin des complications sentimentales, loin des civilisations hypocrites, trouver une maîtresse qui ne baiserait jamais son front brûlant en lui demandant: « À quoi penses-tu ? » une maîtresse sans artifices, sans parfums, sans gants, sans corset, sans mensonge...

Alors, comme elle l’avait rejoint, il prit la pâle et noire Julia et, l’asseyant sur ses genoux, il l’embrassa violemment.