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dos et le fusil en bandoulière. Une pluie fine faisait reluire les faces quand l’allumette d’un fumeur avait craqué ; la marée montante, parfois, soulevait une vague qui s’étalait ensuite, inondant les passagers résignés. Enfin, une embarcation détachée du vapeur arriva, dans laquelle on s’entassa pêle-mêle. Quand elle accosta la Louise, on put voir que des gens pressés occupaient déjà le tillac, au milieu de marchandises éparses. Des bestiaux, vaches et porcs, emplissaient l’avant de l’étroit vapeur jusqu’à la machine. La chaloupe retourna au rivage deux fois encore. Elle ramena les retardataires et le capitaine qui monta sur la passerelle et prit la barre. On leva l’ancre et la Louise quitta le Conquet, recevant l’éclat affaibli de Kermorvan et des feux voisins.

En effet, une pâleur laiteuse venait d’apparaître dans le déchirement d’un ciel sans tendresse, chargé de nuages, et sous lequel la mer, pourtant contenue, semblait vindicative. Des lames courtes firent piquer le bateau, coup sur coup, et puis, elles l’empoignèrent comme un jouet et la danse commença. Le haut des mâts se mit à zigzaguer, la cheminée tituba. La brise était fraîche mais la mer calme, comparativement aux gros temps précédents. Des