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au haut du bourg, par un soir de lune timide, l’occasion était tout à fait favorable pour oublier Françoise.

La jeune fille allait de son pas menu et ouaté, mystérieux. Toute droite, les épaules jetées en arrière, le front haut comme dans la fierté de son énigme impassible. Ils s’étaient heurtés nez à nez. Et bien qu’ils n’eussent pas échangé quatre mots de leur vie, ils s’étaient arrêtés comme s’ils s’étaient attendus.

Tout de suite, il s’approcha d’Aline plus près encore. Si près que le souffle froid d’Aline éventait curieusement la chair allumée de ses joues. Mais il ne commit pas la faute capitale. Il l’embrassa seulement avec discrétion, comme une idole, comme une de ces poupées infiniment fragiles et curieuses qu’il avait vues, sous des jours irréels, dans des pagodes d’Extrême-Orient.

La petite recula soudain. Dans l’ombre et le silence, Salomé Thorinn passait. Elle passait et elle les avait reconnus. Elle s’était éloignée en sifflant.

— Prenez garde à ma mère, dit Aline. Elle m’en veut à mort à cause de vous.

— À mort ?...

— Chut ! fit Aline.