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de regarder très loin, au-devant d’elle-même.

Aline s’était enfoncée dans la nuit et le vent venait de s’engouffrer par la porte avec une odeur saline et une plainte.

— Restez ! dit encore la veuve, et, se penchant vers lui, elle l’embrassa brusquement sur la bouche, de ses lèvres minces.

Mais il partit.


— A quoi penses-tu ? demanda-t-il, plusieurs jours après à Françoise.

Cependant, Françoise ne répondit pas.

Elle considérait la mer en souriant, debout, sur le seuil de sa porte. Elle souriait comme si elle avait trouvé dans les vagues lourdes et monotones quelques motifs de particulière gaîté.

Or, il parut à Le Lamber que cette gaîté était forcée.

Le soleil avait rougi tout le jour les pâturages de l’île et Le Lamber, oisif, avait prolongé tard son repos de l’après déjeuner. Éveillé, il avait trouvé Françoise au travail. Pieds nus, bras nus, tête nue, et vêtue seulement de sa chemise et de sa jupe, elle venait de passer de l’orge au tamis. Deux sacs, emplis jusqu’au bord et un tas de poussière attestaient son activité. Maintenant, elle respirait un peu, redressant son corps