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qu’elle lui saurait gré d’une visite, ce jour même, chez Mme Caïn, son amie.

Le Lamber n’y était pas allé, heureux de ce contretemps qui lui permettait de s’abstenir sans manquer à sa parole. Il n’y était pas allé parce qu’il aimait Françoise Créac’h et il supposait que ces avances de Cocotte et cette invitation de Mme Caïn étaient pour jouer un mauvais tour à Françoise. Car ces deux bonnes âmes, la « mère » Caïn et Caroline Lescot, dite Coco ou Cocotte, auraient été trop contentes de désorganiser leur liaison. On affirmait qu’ils avaient le bonheur insolent, lui, Le Lamber et Françoise, et leur affection, vieille de deux ans, étonnait les versatiles indigènes et provoquait l’envie.

Et même, pour couper court à tous les cancans, il avait exposé la chose à Françoise, par moquerie et sur un ton badin. Mais tout s’ébruitait dans l’île. Et Françoise qui n’avait pas bronché était déjà au courant. Alors, satisfaite de la fidélité de son ami, elle dit à Le Lamber qu’elle n’ignorait pas que Cocotte et la Caïn l’avaient attendu tout le jour ; elle savait aussi qu’elles avaient acheté des gâteaux et un litre de rhum pour se régaler en commun — et pour lui faire honneur.