Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

triangle, caressant sa barbe frisée au petit fer. Ce missionnaire très aimé était blond et doux comme une fillette.

Mais la plupart avaient un parler austère et terrible ; leurs voix, accompagnées d’un cliquetis de chaînes et des clameurs épouvantables des damnés, faisaient encore trembler. Ceux-là avaient vu les pieds fourchus du diable, les cornes de Satan, la main de feu de Lucifer : ils exigeaient des offrandes et des sacrifices. Ils parlaient de la vanité du monde mais ils étaient luisants et gras et c’était pour cela qu’ils criaient si fort.

— J’aurais voulu que la mission durât toujours, disait Barba. Elle s’émerveillait de tout, et même d’un vagabond couvert de loques lamentables qui avait débarqué dans le pays à la suite des prêtres, comme un accessoire pathétique de la mise en scène, et qui s’en était allé avec eux, traînant un coffre plein d’aumônes : un de ces hommes admirables qui tendent la main et ne vivent que pour la prière, un de ces bons pauvres, tels qu’on en voit seulement dans les livres pieux car la mendicité est inconnue dans l’île. Il se tenait sans cesse à la porte de l’église, couvert de plaies factices, pleurant et disant des chapelets, édifiant les masses, et tout le monde lui donnait.