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LA TOUR DE LA LANTERNE.

mante avec sa collerette de plantes et de fleurs pousées un peu partout entre les pierres. Un vrai jardin !

Les mauves aux larges feuilles, l’armoise, les gueules-de-lion en gros bouquets pendent en guirlandes tout autour du merveilleux clocher, enlacées dans des lierres grimpants du plus joli effet. Tiens ! même en l’air sur ce petit escalier un peu raide et étroit, quelques marguerites dont le vent a dû semer la graine dans la mousse, fleurissent fraîches et blanches entre les marches verdies, Et Liette monte encore… car de cet endroit on doit voir plus loin… Ignorant le vertige elle gravit quelques-uns des degrés que n’ont jamais osé franchir les pieds des visiteurs ; puis émerveillée se retourne juste à l’instant où Mlle Mazure paraît enfin !

À la vue de l’enfant sur l’escalier extérieur et dans le vide, le sang de la pauvre fille ne fit qu’un tour.

« Descends Liette ! descends vite », dit-elle, dans un souffle, en se laissant choir sur la dernière marche, les jambes coupées par l’émotion.

Liette descendit docilement sans se douter du danger qu’elle venait de courir, mais au même instant un coup de vent lui arracha son chapeau, qui voltigea en tous sens dans l’espace, avant de venir s’abattre sur la place de l’église que traversait précisément l’oncle Rigobert.

Deux ou trois personnes, le nez en l’air, exprimaient hautement leur surprise de voir le gardien du clocher tolérer de semblables imprudences.

« Monter au clocher, c’est très bien, disait-on, mais au clocheton, quelle folie ! »

Cependant, en voyant auprès d’elle l’enfant saine et sauve, Mlle Mazure fut promptement remise de ses terreurs. Mais Liette, honteuse d’être nu-tête, préoccupée de la perte de son chapeau, ne prêta plus qu’une attention distraite au panorama superbe qui se déroulait à ses pieds et que Mlle Élodie cherchait à lui faire remarquer.

On se disposait donc à descendre, lorsqu’une voix bien connue tonna dans l’escalier.